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L’économie en quête de sens : Une allégorie au chevet du monde.

1 Décembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

L’économie en quête de sens :
Une allégorie au chevet du monde.                                    
            
Par

Jamel

BENJEMIA                    
 

Dans un salon intemporel, baigné d’une lumière douce, où se mêlent l’éclat des idées et l’ombre des désaccords, les grandes figures de la pensée économique se retrouvent. Adam Smith, Karl Marx, John Maynard Keynes, Joseph Schumpeter et bien d’autres, convoqués au-delà du temps, sont réunis pour analyser un monde en proie à des turbulences sans précédent. Guerres aux ramifications planétaires, crise climatique d’une intensité alarmante, inégalités croissantes et pauvreté endémique : tels sont les défis urgents auxquels le monde est confronté. Face à ces fléaux, chacun mobilise ses outils intellectuels, hérités de traditions et contextes divers, mais tous convergent vers un objectif commun : éclairer un avenir incertain.
Le dialogue qui s’engage transcende les siècles et les écoles de pensée. Les principes du libre-échange s’affrontent aux critiques du capitalisme, tandis que l’intervention étatique débat avec les vertus supposées du marché. Entre la foi dans l’innovation portée par Schumpeter et la quête de stabilité prônée par Fisher, des trajectoires souvent parallèles mais parfois contradictoires, s’entrelacent dans une danse d’idées. Ce débat imaginaire devient une quête multidimensionnelle visant à surmonter une crise touchant autant l’économie que l’humanité.


La foi dans le marché

Avec la gravité d’un sage, Adam Smith (1723-1790), père du libéralisme économique, ouvre le bal. Sa voix, empreinte d’une sérénité bienveillante, fait l’éloge du marché autorégulé, cette fameuse « main invisible » qui orchestre harmonieusement les intérêts individuels pour le bien commun :
 « La liberté des échanges, dit-il, est le socle sur lequel repose la prospérité des nations. En poursuivant son propre intérêt, chaque individu contribue, sans le savoir, au bien commun. »
À ses côtés, David Ricardo (1772-1823), plus austère, acquiesce. Il ajoute, d’un ton professoral : « Cependant, pour que cet équilibre perdure, les nations doivent se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs spécifiques. Le commerce international, loin d’être un jeu à somme nulle, est une source de paix et d’enrichissement mutuel, à condition qu’il repose sur des règles justes. »

La critique du capitalisme

La salle, jusque-là attentive, se tend lorsque Karl Marx (1818-1883) prend la parole. Sa voix, grave et passionnée, tranche avec les discours précédents : « Cette vision est séduisante, certes, mais elle masque une réalité brutale : le capitalisme, tel qu’il existe, n’est qu’un vaste mécanisme d’exploitation. Les travailleurs, aliénés, ne récoltent pas les fruits de leur labeur. Le capital accumulé par une minorité se fait au détriment de la majorité. » Marx insiste sur la nécessité d’une révolution des rapports de production, appelant à abolir les inégalités structurelles.
Un silence pesant s’installe, rapidement brisé par John Maynard Keynes (1883-1946), dont l’approche pragmatique vient tempérer les ardeurs révolutionnaires : « Si je partage certaines de vos inquiétudes, Monsieur Marx, je crois en la capacité des institutions à corriger les excès du capitalisme sans pour autant en renverser les fondations. L’intervention de l’État, lorsqu’elle est bien calibrée, peut stimuler l’économie en temps de crise et garantir une certaine justice sociale. Même Madame Merkel, icône de l’orthodoxie budgétaire, a récemment brisé le dogme en déclarant son soutien à un assouplissement des règles encadrant la dette publique, notamment pour permettre des investissements dans des infrastructures stratégiques. Plus keynésienne qu’elle, je meurs, Monsieur Marx ! Pensons à l’avenir : un investissement massif dans l’éducation, la santé, les réseaux de transport et la transition écologique, est le levier dont nous avons besoin. »

L’innovation comme moteur du progrès

Les mots de Keynes trouvent un écho chez Joseph Schumpeter (1883-1950), qui, d’un geste vif, se lève à son tour :
 « Le progrès naît toujours du chaos, affirme-t-il. Ce que vous appelez crise, je le perçois comme une opportunité de renouveau. L’innovation détruit les anciens modèles, mais elle en crée de nouveaux, plus adaptés aux besoins contemporains. Cette destruction créatrice est le moteur du développement. Cependant, pour que cette dynamique fonctionne, nous devons encourager les entrepreneurs, les visionnaires, et ceux qui osent prendre des risques. »
D’un geste mesuré, Irving Fisher (1867-1947) intervient pour recentrer le débat : « Schumpeter a raison sur l’importance de l’innovation, mais n’oublions pas que l’instabilité financière peut réduire à néant les meilleures initiatives. La régulation des marchés, en particulier la gestion de la dette et des taux d’intérêt, est cruciale pour éviter les crises systémiques. La volatilité n’est pas seulement une conséquence du marché libre ; elle est souvent exacerbée par des comportements spéculatifs qu’il convient de contenir. »


La liberté au cœur du débat

Dans un coin de la salle, Friedrich Hayek (1899-1992) et Milton Friedman (1912-2006) échangent un regard complice avant de prendre tour à tour la parole. Hayek, d’abord, rappelle : « La liberté est le fondement de toute prospérité durable. Lorsque l’État intervient trop, il fausse les signaux du marché, créant des inefficacités qui nuisent à tous. La planification centrale est une chimère dangereuse. »  Friedman renchérit : « Laisser aux individus le soin de choisir, de créer, d’échanger librement est la clé. Les marchés libres, bien qu’imparfaits, restent le meilleur moyen de garantir la croissance et l’innovation. »
Ce discours libéral trouve un contrepoint chez Paul Samuelson (1915-2009), dont la voix posée invite à la nuance :
« Hayek et Friedman ont raison de valoriser la liberté, mais ignorer les externalités négatives serait une erreur. Le marché ne peut corriger à lui seul les déséquilibres sociaux ou environnementaux. Nous devons donc trouver un équilibre : réguler suffisamment pour éviter les dérives, tout en préservant les incitations à l’innovation. »


Une vision humaniste de l’économie

Dans un élan presque poétique, Alfred Marshall (1842-1924) prend le relais :
 « L’économie ne saurait être réduite à des chiffres et des courbes. Elle est d’abord une science humaine. Si nous voulons bâtir une société prospère, nous devons investir dans le capital humain : éducation, santé, conditions de travail. La richesse d’une nation repose autant sur ses ressources que sur le bien-être de ses citoyens. »
À mesure que les voix s’élèvent et s’entrelacent, un fil rouge apparaît : la conviction que la diversité des approches est une force. Loin de s’annuler, ces perspectives complémentaires offrent un prisme riche pour analyser et résoudre les crises contemporaines. Adam Smith et Karl Marx, malgré leurs divergences, semblent se rejoindre dans un constat implicite : l’économie est un outil, au service de l’humanité, et non l’inverse.
Keynes, d’une voix presque murmurée, conclut : « Ce n’est qu’en croisant nos idées que nous pourrons transcender les défis. Car, si je peux avoir tort seul, ensemble, nous avons la capacité d’avoir raison. »
Ainsi, le véritable remède aux maux du monde ne réside pas dans une doctrine unique, mais dans l’harmonie des idées, dans la rencontre féconde entre pragmatisme et utopie. Chaque pensée, telle une note isolée, peut sembler incomplète ; mais, lorsqu’elle s’harmonise avec d’autres dans une synchronisation subliminale, elle compose une symphonie capable d’apaiser les turbulences économiques et sociales.
Si l’économie, souvent perçue comme une science froide et distante, trouve ici une chaleur nouvelle, c’est grâce à une confiance dans l’intelligence collective et la convergence des forces vives. Car, isolé, chacun peut vaciller dans l’ombre de l’erreur, mais unis, nous avons le pouvoir d’éclairer une vérité plus vaste et d’ouvrir des sentiers inexplorés. Le monde, fragile comme une écorce fissurée par le temps, n’attend pas de pansements éphémères ni de greffons inappropriés, mais une vision renouvelée, profonde et audacieuse. De ce foisonnement d’idées, porté par des bâtisseurs éclairés, émergeront des solutions capables d’instaurer un équilibre fécond et durable.
Ainsi, bien que Monsieur Keynes ait rappelé, avec un brin d’ironie, « qu’à long terme, nous serons tous morts », il n’en demeure pas moins que le véritable fléau de notre époque réside dans les solutions à courte vue et les demi-mesures.
Ce dialogue imaginaire devient alors bien plus qu’un simple exercice intellectuel : il se mue en un appel vibrant à conjuguer savoir et volonté pour réinventer l’économie au service du bien commun.
Car l’avenir, s’il est incertain, ne peut se construire qu’en puisant dans la richesse de notre diversité intellectuelle et en osant des solutions à la hauteur des défis.

 

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La croissance de demain : Régénérer, réconcilier et partager un dessein durable.                          

24 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

La croissance de demain :

Régénérer, réconcilier et partager un dessein durable.                                     
            
    Par

Jamel

BENJEMIA                                
                
                                       

L’économiste est à la fois le témoin des bouleversements du monde et le gardien des équilibres fragiles qui le sous-tendent. Enfermé dans ses modèles, souvent caricaturé en observateur stérile, il est accusé de dénoncer sans réparer. On lui reproche de ne proposer que des constats sombres, d’être le « Cassandre » désabusé d’un déclin annoncé, incapable d’élargir les horizons ou de rendre le réel accessible à tous.

Mais ce portrait, celui d’un penseur désarmé face aux tempêtes de son époque, s’efface aujourd’hui. L’économiste du XXIe siècle, confronté à l’urgence climatique, aux fractures sociales et aux limites d’un système à bout de souffle, ne peut plus se contenter d’observer. Il devient un éclaireur, un bâtisseur, un tisseur de possibles. Mariant rigueur analytique et audace créative, il se réinvente pour esquisser les contours d’une croissance à la hauteur des défis planétaires, capable de conjuguer prospérité et responsabilité, justice et durabilité.

Dans un monde ébranlé par des crises multiples, où chaque certitude semble vaciller, une question fondamentale s’impose : quel visage donner à la croissance de demain ? Ce futur ne pourra plus se mesurer à l’aune d’un PIB aveugle aux inégalités et à la destruction du vivant. Il devra embrasser une vision plus vaste, une prospérité partagée, régénérative et résiliente. Cet article s’attache à tracer les lignes de cette transition audacieuse, à travers les prismes de la régénération, de la réconciliation et du partage.

La croissance régénérative
La croissance régénérative n’est pas un simple palliatif ni une réponse timide aux excès du passé. Elle incarne une transformation profonde, une réinvention des rapports entre l’humanité et son environnement, entre production et préservation. Son ambition dépasse la simple réparation : elle aspire à un cycle créatif où les ressources, loin d’être épuisées, se renouvellent, et où la prospérité s’enracine dans une harmonie durable, à la fois sociale et écologique.
L’énergie solaire, symbole éclatant de cette mutation, marque une rupture décisive avec les combustibles fossiles. Inépuisable, elle se démocratise à mesure que ses coûts diminuent et que ses infrastructures se multiplient. Plus qu’une ressource technique, l’énergie solaire redéfinit la souveraineté énergétique et favorise l’émergence de communautés locales autonomes.
À cette source lumineuse s’ajoute l’hydrogène vert, un vecteur énergétique susceptible de révolutionner les secteurs nécessitant une décarbonation. L’hydrogène vert dépasse le simple remplacement des hydrocarbures : il restructure les chaînes de valeur, stimule l’innovation, et trace les contours d’une transition industrielle sobre et durable.
Mais la croissance régénérative ne s’arrête pas à l’énergie. Le recyclage, véritable pilier de l’économie circulaire, transforme les déchets en ressources, abolissant l’idée même de résidu. Cette boucle vertueuse, qui allie écologie et économie, génère des opportunités d’emploi, réduit la dépendance aux matières premières vierges et redynamise les territoires.
La géothermie, en exploitant la chaleur terrestre, complète cet édifice. Source propre et constante, elle alimente le chauffage, l’industrie, et stabilise les réseaux électriques. Couplée à l’énergie éolienne, terrestre et offshore, elle illustre la capacité humaine à exploiter les forces de la nature sans les altérer.
Pourtant, ces avancées technologiques ne suffiront pas si elles ne s’intègrent pas dans une vision systémique. Par exemple, le surplus d’énergie solaire ou éolienne pourrait produire de l’hydrogène vert, tandis que les déchets organiques nourriraient des circuits énergétiques circulaires. Ces synergies, coordonnées par des réseaux intelligents, transcendent les clivages technologiques et offrent un potentiel insoupçonné pour repenser nos usages.
Cependant, la régénération ne saurait se limiter à une révolution technologique. Elle exige une refonte des modèles économiques. La croissance régénérative doit être accessible à tous. Les panneaux solaires ne doivent pas rester un luxe pour quelques privilégiés, et l’hydrogène vert doit également s’inscrire dans des politiques publiques inclusives.
Ainsi, la croissance régénérative dépasse la simple réparation des erreurs passées. Elle dessine un avenir où la prospérité enrichit autant qu’elle préserve.

Une croissance réconciliée avec le vivant
Au-delà des ressources et des systèmes énergétiques, la croissance de demain devra se réconcilier avec le vivant. Cela implique une transformation profonde : replacer la nature, qui fut longtemps considérée comme une variable d’ajustement, au cœur de nos processus économiques.
L’histoire économique moderne s’est souvent bâtie sur l’idée fallacieuse d’une nature infinie, exploitée sans contrainte. Or, réconcilier croissance et vivant impose une rupture : considérer la nature comme un partenaire essentiel et non plus comme un simple réservoir de matières premières.
Planter des forêts, préserver les zones humides et régénérer les sols ne sont pas des gestes anecdotiques ou accessoires. Chaque hectare préservé, chaque espèce sauvée et chaque écosystème restauré enrichissent le capital naturel, essentiel à la prospérité humaine.
Dans le domaine agricole, l’adoption de pratiques régénératives, comme l’agroécologie, transforme les paradigmes. 
Ce modèle, fondé sur la diversité des cultures et la coopération avec les cycles naturels, prouve que production alimentaire et préservation des écosystèmes ne s’opposent plus mais se renforcent mutuellement.
Nos modes de consommation devront également évoluer. Une « sobriété heureuse » pourrait émerger, valorisant les biens réparables, l’économie d’usage, et le rejet de l’obsolescence programmée. Ces pratiques, bien plus qu’un ajustement technique, traduisent une rupture culturelle majeure, alignant nos aspirations avec une coexistence respectueuse du vivant.


La sobriété : contrainte ou opportunité ?
Longtemps perçue comme une entrave au progrès, la sobriété pourrait, au contraire, offrir une opportunité inédite de retrouver une forme d’abondance authentique. En limitant notre dépendance au superflu, nous redirigeons nos efforts vers des priorités comme l’éducation, la santé et l’innovation. Produire moins, mais mieux, est à la fois un impératif écologique et une source de satisfaction.
Cette réflexion conduit à repenser nos aspirations profondes. Le bonheur réside moins dans l’accumulation matérielle que dans la richesse des relations humaines, dans les expériences partagées et dans un mode de vie en accord avec les contraintes écologiques. La sobriété devient alors une promesse d’épanouissement en harmonie avec les limites de notre planète.


Le rôle essentiel de l’inclusion sociale
Une croissance durable ne peut se concevoir sans une inclusion sociale profonde et sincère. L’accès universel à l’énergie, à l’éducation et à la santé constitue non seulement un droit, mais une condition préalable à la prospérité collective.
Des initiatives comme « Solar Mamas », pilotées par le Barefoot College en Inde, incarnent cette vision. En formant des femmes issues de milieux défavorisés à l’installation et à la maintenance de panneaux solaires, ce projet illustre comment écologie et justice sociale peuvent converger. Ces femmes, en devenant actrices de la transition énergétique, accèdent à une autonomie qui transforme leurs vies et leurs communautés.
De tels exemples démontrent que l’inclusion sociale n’est pas un coût, mais un moteur de croissance.


Vers une économie du partage
Face à des défis globaux tels que la raréfaction des ressources, l’intensification des tensions climatiques et géostratégiques, ainsi que l’aggravation des inégalités, l’économie de partage se dresse comme une alternative puissante, bousculant les logiques traditionnelles d’accumulation et de concentration des richesses. 
Cette vision ne se limite pas à l’idée de mutualiser des biens ou des services. Elle repose sur une transformation systémique où l’utilisation des ressources, des compétences et des opportunités s’oriente vers une logique collective, inclusive et durable. Les plateformes numériques, bien qu’imparfaites, offrent un avant-goût de ce modèle, où la propriété laisse peu à peu place à une utilisation partagée et responsable. Le législateur doit s’assurer qu’aucune forme d’exploitation ou d’esclavage moderne ne puisse émerger sous couvert d’innovation.
Dans une économie du partage réelle, les richesses ne sont plus accumulées mais redistribuées, créant ainsi une société plus équitable, plus solidaire, et surtout plus résiliente face aux chocs à venir.
Cette transition régénérative, inclusive et fondée sur le partage, n’est ni un horizon lointain ni une utopie irréaliste. Elle commence ici et maintenant, portée par une série de choix individuels et collectifs. 
La croissance de demain ne se mesurera plus uniquement en chiffres ou en taux, mais en sourires partagés, en ressources préservées, et en rêves accompagnés par une humanité réconciliée avec elle-même et avec la planète.

 

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COP29 : Symbiose renforcée ou paralysie fatale ?

17 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

 COP29 : 
Symbiose renforcée

ou

paralysie fatale ?                                      
            
   Par

Jamel

BENJEMIA                                
                
                         

La COP29, 29e conférence des Nations unies sur les changements climatiques, se tient cette année du 11 au 22 novembre 2024 dans la ville de Bakou, en Azerbaïdjan.
Depuis la première conférence des parties (COP) en 1995, chaque réunion a marqué une étape dans la lutte mondiale contre le réchauffement, mais cette édition se distingue par une urgence climatique inédite. Dans un contexte de records de température, d’écosystèmes en péril et de catastrophes naturelles répétées, cette conférence apparaît comme l’ultime rempart face aux tumultes d’un horizon incertain. Les dirigeants de ce monde convergent vers cette ville millénaire, entre l’espoir d’un renouveau climatique et la crainte d’un échec fatal.
Le choix de Bakou, ville emblématique des énergies fossiles, ancrée dans un passé de pipelines et de gisements, soulève un paradoxe profond. Peut-on envisager l’évolution du climat depuis un lieu qui incarne les contradictions mêmes de notre époque, écartelée entre le poids d’un passé carboné et la promesse d’une destinée décarbonée ? Bakou représente ainsi bien plus qu’un lieu de rencontre : elle est l’incarnation des tensions d’une transition encore balbutiante, où chaque décision doit trouver l’équilibre fragile entre les impératifs économiques et écologiques.
Les négociations qui s’ouvrent sous ce ciel chargé ne sont pas seulement politiques. Elles représentent une quête de sens pour une humanité en quête de rédemption, déterminée à échapper aux griffes de ses propres erreurs. Dans ces arènes diplomatiques, chaque engagement, chaque mot posé, résonne comme un serment à la terre, une réponse aux cris de la nature qui se meurt.

La crise climatique à son paroxysme


Alors que la COP29 s’apprête à délibérer, l’humanité s’avance tel un funambule, équilibriste au-dessus d’un précipice. L’année 2024 a été le théâtre d’un climat devenu fou : des vagues de chaleur suffocantes aux incendies qui ont ravagé forêts et habitats, en passant par des inondations meurtrières, chaque désastre est un signal d’alerte que notre planète envoie à ceux qui l’habitent encore. En janvier dernier, la température moyenne mondiale s’est élevée à 13,14 °C, dépassant de 0,7 °C la moyenne observée entre 1991 et 2020, selon l’Observatoire Copernicus. Ce seuil est plus qu’un chiffre, il est la marque de l’irréversible qui s’installe.
La fonte des glaciers, l’élévation rapide des océans, la destruction des poumons verts de la planète : chaque drame écologique nous plonge davantage dans une ère de désenchantement. La biodiversité, ce trésor invisible, s’érode dans un silence qui amplifie encore la gravité de la perte. Les forêts, comme l’Amazonie, ne sont plus seulement des paysages mais des victimes d’un sacrifice. Leur lente agonie rappelle que derrière chaque chiffre de CO2, il y a un monde vivant dont la survie nous est intimement liée.
Ce paysage de désolation est un présent qui s’étiole, une réalité qui s’éclipse sous nos yeux, bien plus qu’une simple image du futur. La COP29, à cet égard, n’est pas seulement une conférence, mais un acte de foi, un geste ultime de ceux qui croient encore que tout n’est pas perdu, que l’humanité peut encore répondre aux tourments d’une terre en souffrance.


Les paradoxes de Bakou


L’image de Bakou, bâtie sur les énergies fossiles, est un écho amer à l’urgence climatique. Choisie pour accueillir les négociations de cette COP29, la ville interroge et dérange. Cité érigée sur les vestiges d’un passé d’abondance carbonée, elle est aujourd’hui confrontée à un dilemme existentiel : peut-elle vraiment porter le flambeau d’une transition verte tout en demeurant fidèle à son histoire d’or noir ? Ce n’est pas seulement un défi logistique ou géographique, mais une interrogation philosophique. Peut-on sérieusement envisager une ère durable dans un lieu façonné par des énergies qui, jusque-là, symbolisaient le triomphe de l’exploitation sur la préservation ?
À cette contradiction s’ajoutent les tensions géopolitiques, celles d’une région marquée par des querelles ancestrales, notamment entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le conflit latent qui s’est dessiné au-delà des frontières rappelle combien la paix climatique dépend aussi de la paix entre les nations. Certains ont choisi de boycotter cette COP, amplifiant les fractures politiques qui gangrènent les débats, tout en détournant le regard sur d’autres tragédies. Un parfait exemple du « En même temps », où l’indignation sélective devient une posture plus confortable que l’action réelle.
Soyons conscients que chaque compromis, chaque geste diplomatique fort, porte en lui la double charge de la justice climatique et planétaire. Bakou s’impose indiscutablement comme un microcosme des tensions de notre époque, où l’écologie doit composer avec les luttes de pouvoir.
Ainsi, la capitale azérie s’impose comme un symbole complexe de notre temps, un théâtre d’attentes multiples et souvent contradictoires, à l’image de ses multiples facettes.


Espoir et impasse


La COP29 s’annonce comme un moment de vérité pour l’humanité, entre espoirs ardents et impasses redoutées. Le financement climatique, notamment pour les pays du Sud, reste une priorité absolue. Ces nations, malgré leur contribution marginale aux émissions globales, subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique. En 2023, seuls 83 milliards de dollars sur les 100 milliards promis ont été mobilisés, révélant l’écart béant entre les engagements et leur concrétisation. Chaque dollar manquant dans ce financement est une barrière de plus à la résilience des pays en première ligne des catastrophes écologiques.
À Bakou, cet objectif devient un impératif moral : les États devraient prouver si leurs promesses peuvent se traduire en soutien réel, et si les financements post-2025 seront enfin à la hauteur des besoins urgents.

Un autre enjeu crucial réside dans la mise en œuvre de l’article 6 de l’accord de Paris, qui vise à créer des marchés de carbone. Conçus avec rigueur, ces mécanismes pourraient servir de fondement à une coopération climatique mondiale authentique. Mais le risque de dérives est réel, avec les tentations de double comptage et de profit à court terme. Les délégués devront donc se montrer intransigeants, afin que ces mesures servent réellement la cause climatique et non des intérêts immédiats.
Le monde entier a les yeux rivés sur Bakou, suspendu à l’espoir que cette COP29 inspire un élan collectif, ou, à défaut, évite une paralysie fatale. Ce sommet incarne à la fois un moment de désillusion et un appel pressant à la solidarité, où le destin collectif repose sur chaque engagement et chaque décision énoncée.

Une promesse fragile
À mesure que la COP29 touche à sa fin, des compromis pèsent déjà sur les résolutions finales. Parmi les propositions figure un « paquet énergétique » global, visant à tripler les énergies renouvelables et à doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030. Cet objectif, bien qu’audacieux, est sans cesse menacé par des intérêts profondément ancrés autour des combustibles fossiles. 
Sous les regards du monde entier, chaque acteur porte désormais le poids du destin commun. La planète, vulnérable et épuisée, attend un signal clair : celui d’un engagement sincère, où les paroles se transforment en actions.
En Australie occidentale, une révolution silencieuse éclaire les toits : le solaire couvre désormais 80,5 % de la production d’électricité, reléguant le gaz et le charbon à des parts modestes de 8 % chacun.
Une avancée qui prouve que, lorsqu’elle s’affirme, la volonté politique peut métamorphoser l’impossible en réalité, et éclaire la voie pour ceux qui doutent encore du potentiel d’une transition.
Cependant, cette conférence pourrait aussi marquer le point de départ d’une solidarité inédite, un moment de prise de conscience partagée. Si les accords de Bakou ne sont pas parfaits, ils tracent un chemin : celui d’un équilibre précaire mais vital entre préservation et développement. La COP29, malgré ses limites, représente une lueur d’espoir, comme le battement timide d’une promesse fragile, une ultime tentative de l’humanité pour honorer son lien avec la terre.
Bakou pourrait bien incarner cet instant décisif où le monde s’engage enfin vers une symbiose renforcée avec son avenir. Car, dans l’urgence climatique, seule une volonté inflexible saura transformer ce frémissement d’espoir en un souffle tangible, porteur d’un horizon durable. 
Car de ce souffle naîtra peut-être une aurore, fragile mais lumineuse, où l’humanité apprendra enfin à s’accorder au rythme de la terre.

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La révolution médicale en marche : La Tunisie doit en saisir l’opportunité.

10 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

La révolution médicale en marche :
 La Tunisie doit en saisir l’opportunité.


  Par

Jamel

BENJEMIA

                                

    
                           
Dans le paysage médical contemporain, une révolution discrète mais irrésistible prend forme. Les progrès thérapeutiques récents ouvrent la voie vers un monde où des maladies autrefois jugées invincibles pourraient être non seulement contenues, mais véritablement vaincues. À l’avant-garde de cette transformation se trouvent des traitements novateurs, comme les thérapies cellulaires CAR-T pour le cancer et les agonistes des récepteurs GLP-1, initialement développés pour le diabète, mais dont le potentiel dépasse largement cette indication. D’autres pistes thérapeutiques émergent également, offrant de nouveaux espoirs pour des pathologies variées, notamment les maladies neurodégénératives et auto-immunes.


Parmi les avancées les plus marquantes, les thérapies par cellules T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T-cells) représentent un progrès révolutionnaire contre certains cancers. Plutôt que d’attaquer les cellules cancéreuses de manière indirecte, comme le font les chimiothérapies, cette approche arme les cellules du système immunitaire pour qu’elles détectent et détruisent directement les cellules cancéreuses. Les CAR-T ont montré des succès impressionnants dans le traitement des cancers hématologiques comme le lymphome et la leucémie, offrant une alternative aux patients résistants aux traitements classiques.

Les agonistes GLP-1 

En parallèle, les agonistes GLP-1 sont en train de redéfinir les approches de traitement pour un éventail de maladies chroniques. Destinés initialement à traiter le diabète de type 2, ils ont révélé des effets inattendus sur la perte de poids et la réduction des risques cardiovasculaires. Aujourd’hui, ces médicaments s’avèrent prometteurs pour le traitement des maladies rénales et des troubles cognitifs, comme la maladie d’Alzheimer, grâce à leur action sur les circuits neuronaux associés aux comportements de récompense.

Les maladies neurodégénératives et auto-immunes

Les avancées ne s’arrêtent pas là. Dans le domaine des maladies neurodégénératives, des thérapies basées sur les « oligonucléotides antisens » (ASO) suscitent des espoirs. Ciblant directement l’ARN messager pour inhiber la production de protéines anormales, elles offrent des pistes contre des maladies comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et certaines formes de Parkinson. Dans le cas des maladies auto-immunes, les nouvelles immunothérapies visent à moduler le système immunitaire de façon ciblée pour éviter que l’organisme ne s’auto-agresse, ouvrant ainsi des voies pour des maladies auto-immunes chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde.


Les défis économiques et sociaux

La révolution thérapeutique en cours pose des enjeux économiques et sociaux de premier plan. Les traitements novateurs, bien que coûteux et actuellement hors de portée pour la majorité des patients, pourraient transformer les systèmes de santé au fur et à mesure que leur coût deviendra plus abordable. Cette évolution permettrait de rediriger les budgets vers la prévention, contribuant à réduire les coûts indirects liés aux maladies chroniques et à renforcer la productivité d’une population en meilleure santé.

Cette transformation dessine une nouvelle vision de la santé : une approche où la médecine ne se limite plus à traiter les symptômes, mais propose des solutions durables pour améliorer la qualité de vie. Avec l’essor du séquençage génétique et des biotechnologies, les thérapies personnalisées deviennent envisageables, adaptées aux caractéristiques propres de chaque individu. Dans le domaine de l’oncologie, par exemple, la médecine de précision pourrait analyser les mutations spécifiques des cellules tumorales afin de choisir les traitements les plus appropriés pour chaque patient, réduisant ainsi les effets secondaires des méthodes conventionnelles.

Les techniques d’édition génétique, comme le « CRISPR-Cas9 », ouvrent également des perspectives inédites en offrant la possibilité de corriger des anomalies directement dans l’ADN. Des pathologies héréditaires longtemps considérées incurables, telles que la dystrophie musculaire de Duchenne ou la fibrose kystique, pourraient être abordées à leur racine. La possibilité de cibler les fondements génétiques des maladies marque une évolution profonde de notre rapport à la santé.
Les agonistes GLP-1 et les thérapies cellulaires ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour les maladies chroniques, qui demeurent un fardeau économique et humain immense. Les sociétés vieillissantes constatent une augmentation du nombre de cas d’insuffisance cardiaque, d’arthrose, de diabète et d’autres pathologies liées au vieillissement. Dans ce contexte, l’arrivée de traitements capables de prévenir ou de ralentir ces affections permettrait de mieux répondre à la demande croissante de soins. En outre, les découvertes sur les interactions entre le microbiote intestinal et le système nerveux central éclairent le rôle que jouent les bactéries intestinales dans la santé mentale et physique, ouvrant la voie à des traitements innovants des troubles métaboliques et psychiques.

Les enjeux et les résistances 

Cependant, cette révolution en marche suscite aussi des résistances. Les traitements innovants comme les thérapies cellulaires, la génomique et les agonistes GLP-1 s’accompagnent de questionnements sur leur accessibilité, leurs coûts, et les effets potentiels à long terme. Les gouvernements et les systèmes de santé devront anticiper ces défis, en intégrant ces nouvelles thérapies de façon équitable, mais aussi en instaurant des régulations et un encadrement rigoureux pour garantir la sécurité et l’éthique de ces traitements.

Certaines voix s’inquiètent d’une « médicalisation » excessive de l’existence, où des médicaments seraient utilisés pour modifier des comportements ou des habitudes, au risque de perdre une part de liberté et de résilience personnelle. Les agonistes GLP-1, par exemple, qui réduisent les envies alimentaires soudaines, remettent en question notre capacité de contrôle face aux désirs et comportements alimentaires.
À quel point devons-nous intervenir médicalement sur des comportements quotidiens ? La frontière entre soin et confort pourrait s’estomper, rendant le rôle de la médecine dans la société plus complexe à définir.

Un horizon plein de promesses

Malgré les défis, cette révolution médicale porte en elle une promesse unique : celle d’une vie plus longue, plus saine, et plus productive pour des millions, voire des milliards de personnes. Des maladies aujourd’hui incurables pourraient disparaître dans les prochaines décennies, et l’humanité pourrait accéder à un niveau de santé global jamais atteint auparavant. Le progrès médical trace la voie vers un futur où l’impact des maladies chroniques et des affections génétiques serait drastiquement réduit, améliorant le bien-être collectif et l’équilibre social.
La Tunisie, riche de compétences scientifiques et de talents dans le domaine des biotechnologies, doit saisir cette opportunité pour prendre sa place dans cette révolution médicamenteuse. Le potentiel de ses startups innovantes, telles qu’InstaDeep qui a contribué à identifier les variantes les plus virulentes de la Covid-19 pour BioNTech, prouve que le pays dispose des atouts nécessaires pour participer activement aux avancées globales. En soutenant la recherche, l’innovation et les partenariats internationaux, la Tunisie peut non seulement améliorer la santé de sa propre population, mais aussi devenir un acteur de premier plan dans l’évolution de la médecine mondiale.
Les implications de cette révolution dépasseront le domaine médical. Une population en meilleure santé pourrait conduire à un nouveau paradigme économique, où les dépenses de santé sont moins focalisées sur les traitements lourds et coûteux, et davantage investies dans la prévention et le bien-être général. Pour que cette transformation devienne réalité, un engagement collectif sera nécessaire, afin de rendre ces avancées accessibles et durables pour toutes les couches de la société.
Ainsi, en marche vers un futur de santé augmentée, l’humanité se dote d’outils pour affronter les défis des maladies qui l’ont longtemps accablée, et peut espérer un avenir où la médecine ne se limite plus à guérir, mais aussi à transformer profondément la qualité de la vie humaine.
Le chemin tracé par des pionniers comme Aziza Othmana, Tawhida Ben Cheikh et Charles Nicolle est exigeant et riche de défis. Que la fierté de cet héritage nous guide et que notre détermination à le faire grandir inspire les générations futures.

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Pour une macroéconomie pragmatique et inclusive.

3 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Pour une macroéconomie pragmatique et inclusive.


  Par

Jamel

BENJEMIA     
                   

L’économie mondiale chancelle, secouée par des crises répétées où les bulles financières éclatent, les dettes publiques explosent, et la précarité gagne même les territoires autrefois porteurs de croissance. Les inégalités atteignent des niveaux inquiétants, tandis que le climat, fragilisé par l’activité humaine, appelle des réponses urgentes. Face à cette complexité, les modèles économiques traditionnels – qu’ils soient keynésiens ou monétaristes – peinent à fournir des solutions adaptées. Leurs prescriptions rigides, issues d’une autre époque, se révèlent insuffisantes face aux défis contemporains.

Dans ce contexte, une approche novatrice prend forme : celle d’une macroéconomie pragmatique et inclusive, qui conjugue rigueur analytique et adaptabilité stratégique. Cette vision rejette les dogmes pour cibler les enjeux économiques, sociaux, et environnementaux de manière nuancée. Il ne s’agit plus de choisir entre croissance et inclusion, entre stabilité financière et durabilité écologique, mais bien de les faire converger pour édifier un modèle résilient et humain. Cet article explore les principes et les leviers de cette approche innovante, et propose un paradigme où l’économie sert l’intérêt général, s’adapte aux aléas, et s’oriente résolument vers l’avenir.


Les limites des modèles économiques traditionnels
Les modèles économiques traditionnels, bien qu’ils aient apporté des éclairages pertinents par le passé, révèlent aujourd’hui leurs limites. Le keynésianisme, qui prône la relance de la demande pour contrer les crises, a prouvé son efficacité, mais son impact s’affaiblit dans le contexte actuel de restrictions budgétaires et de multiplicateurs amoindris. Les dépenses publiques, jadis un moteur fiable, peinent désormais à produire les effets escomptés, leur portée s’émoussant face aux complexités contemporaines.

À l’opposé, le monétarisme, centré sur le contrôle de la masse monétaire pour contenir l’inflation, se heurte aux réalités d’un système financier où les capitaux circulent au-delà des frontières. Les crises récentes, notamment celle de 2008, ont mis en lumière l’illusion des marchés prétendument efficients, où les prédictions échouent et les bulles spéculatives se multiplient. Face à ces échecs répétés, l’urgence d’un modèle économique plus flexible et adaptable s’impose.

Aujourd’hui, les défis économiques, sociaux, et environnementaux, tous intimement liés, requièrent une approche qui dépasse les cadres théoriques rigides du passé. Il est désormais crucial de concevoir des solutions sur mesure, qui prennent en compte les spécificités de chaque contexte économique. C’est dans cette optique que la macroéconomie pragmatique et inclusive se profile, comme un modèle centré sur l’humain et enraciné dans les impératifs sociaux et écologiques de notre époque.


Les principes d’une macroéconomie pragmatique et inclusive
Le pilier de cette approche est la flexibilité. Dans un monde en perpétuelle mutation, les règles rigides ne suffisent plus. La macroéconomie pragmatique privilégie une évaluation dynamique des contextes, adaptant les politiques budgétaires aux besoins réels. Ainsi, plutôt que de se conformer à des seuils de déficit arbitraires, il devient pertinent de laisser temporairement filer le déficit en période de récession, pour soutenir la demande et éviter le chômage. À l’inverse, en période de surchauffe, des ajustements budgétaires permettent de limiter l’inflation.
Un second principe fondamental est la coordination entre les instruments budgétaires et monétaires. Trop souvent, ces deux leviers fonctionnent indépendamment, ce qui limite leur efficacité. Dans un modèle pragmatique, leur synchronisation est primordiale. En période de récession, une relance budgétaire doit être soutenue par une politique monétaire expansionniste. Ce tandem permet non seulement de stimuler la consommation, mais aussi d’encourager l’investissement privé par des taux d’intérêt plus bas, amplifiant ainsi les effets des mesures budgétaires. Une telle coordination offre une réponse globale aux chocs économiques, maximisant l’impact de chaque instrument.
Enfin, la macroéconomie pragmatique et inclusive intègre des objectifs sociaux et environnementaux, au-delà de la simple croissance. Elle prend acte de l’urgence de la justice sociale et de la durabilité écologique. Pour une société résiliente, les fruits de la croissance doivent être équitablement répartis, et l’économie doit respecter les limites de la planète. Concrètement, cela passe par la taxation des externalités négatives, comme la pollution, et par des politiques fiscales favorisant les initiatives qui réduisent les inégalités. Une économie durable ne peut ignorer ces coûts sociaux et environnementaux, car ils compromettent sa pérennité. En intégrant ces dimensions, cette approche propose une vision plus stable et inclusive de l’économie, en phase avec les défis contemporains.

Libérer l’économie pour stimuler l’innovation
L’un des obstacles les plus pesants à la croissance économique réside dans la rigidité bureaucratique. Chaque formalité supplémentaire bride l’initiative des entreprises et des investisseurs, étouffant la dynamique nécessaire au progrès économique. Simplifier les démarches administratives, rendre les textes juridiques clairs et accessibles, et alléger les autorisations bureaucratiques deviennent ainsi des leviers essentiels. Un climat des affaires propice repose également sur un cadre législatif transparent, où un code des investissements précis encourage l’engagement des acteurs économiques et le flux des capitaux.
En allégeant le fardeau bureaucratique qui pèse sur la macroéconomie, les gouvernements libèrent des ressources nouvelles qui, autrement, resteraient inexploitées. Cette simplification offre un terreau fertile à l’innovation et à l’entrepreneuriat, favorisant l’émergence de secteurs novateurs et la création de nouvelles richesses, tout en contribuant à l’atteinte des objectifs sociaux et environnementaux. Une macroéconomie pragmatique et inclusive doit nécessairement tenir compte de ce lien fondamental, en renforçant la capacité de l’économie à s’adapter et à prospérer.
La croissance repose en effet sur une lutte continue contre les pesanteurs bureaucratiques qui étouffent l’initiative et paralysent le progrès. Mais ce combat se livre aussi, abstraction faite des régimes politiques, contre les spéculateurs en herbe et contre cette poignée de sangsues nostalgiques, attachés aux passe-droits et aux privilèges d’un autre temps, qui freinent tout élan vers une économie ouverte et équitable.


Les instruments d’une macroéconomie pragmatique et inclusive
La politique budgétaire est un levier essentiel pour promouvoir inclusivité et durabilité. Dans une approche pragmatique, cela signifie adopter une fiscalité progressive pour redistribuer les richesses et financer des programmes sociaux, tout en investissant dans des infrastructures vertes. Les dépenses publiques devraient être ciblées vers des secteurs qui, en plus de stimuler l’activité économique, apportent un bien-être durable : l’éducation, la santé, et les technologies vertes. Une telle orientation des dépenses participe à la résilience économique et sociale.
La régulation financière est également cruciale pour éviter les crises. Une politique macroprudentielle, avec des exigences de fonds propres pour les banques et des limitations sur les prêts spéculatifs, contribue à réduire les risques. Dans un modèle pragmatique, cette régulation inclut des mesures facilitant l’accès au crédit pour les petites entreprises et les ménages à faibles revenus, tout en limitant les prises de risque excessives. Cela permet de construire un secteur financier inclusif, tout en préservant sa stabilité.
En matière de politique monétaire, les instruments traditionnels comme les taux d’intérêt doivent être complétés par des outils non conventionnels, tels que l’assouplissement quantitatif et le ciblage des taux longs. Ces instruments permettent d’ajuster les conditions de financement de l’économie dans des situations complexes, tout en soutenant les objectifs budgétaires pour offrir une réponse complète aux crises.

Les défis de la mise en œuvre 
La force de ce modèle réside dans sa flexibilité et sa capacité à s’adapter aux fluctuations économiques et aux impératifs de notre époque. En rompant avec les dogmes figés, il permet un ajustement continu, indispensable dans un monde où le changement est la seule constante. Cette flexibilité, cependant, exige une coordination minutieuse entre gouvernements, banques centrales et régulateurs financiers, de même qu’un accès fiable aux données économiques. Sans une synergie forte, les initiatives risquent de se contredire, affaiblissant la stabilité et l’efficacité globales.

L’intégration des objectifs sociaux et environnementaux représente un autre défi majeur, surtout à court terme. Les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone, le méthane, etc.), par exemple, peuvent imposer des coûts immédiats à certaines industries, menaçant des emplois si elles ne sont pas planifiées avec soin. Cela appelle à une anticipation stratégique des compromis nécessaires pour réduire les résistances et préserver la cohésion sociale. La transition écologique, incontournable, requiert une progression mesurée pour éviter des fractures sociales.

En définitive, la macroéconomie pragmatique et inclusive ouvre une voie audacieuse, alliant flexibilité, coordination et inclusivité pour bâtir un modèle résilient, apte à répondre aux crises, à réduire les inégalités et à promouvoir un développement durable. Bien que son déploiement pose des défis—de coordination accrue et d’équilibrage des objectifs divergents—, ses bienfaits potentiels en font une approche inestimable.

Dans cette époque de transformations rapides et d’incertitudes, ce modèle se dresse comme une réponse nécessaire pour un avenir plus juste et durable. En plaçant l’économie au service du bien commun et de la planète, il rompt avec les modèles passés et dépassés. Car il n’est plus question de dompter la croissance, mais de l’inspirer, en faisant de chaque défi un levier pour un monde où l’équité et la pérennité forment les deux pôles de notre horizon.

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