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L’économie en quête de sens : Une allégorie au chevet du monde.
L’économie en quête de sens :
Une allégorie au chevet du monde.
Par
Jamel
BENJEMIA
Dans un salon intemporel, baigné d’une lumière douce, où se mêlent l’éclat des idées et l’ombre des désaccords, les grandes figures de la pensée économique se retrouvent. Adam Smith, Karl Marx, John Maynard Keynes, Joseph Schumpeter et bien d’autres, convoqués au-delà du temps, sont réunis pour analyser un monde en proie à des turbulences sans précédent. Guerres aux ramifications planétaires, crise climatique d’une intensité alarmante, inégalités croissantes et pauvreté endémique : tels sont les défis urgents auxquels le monde est confronté. Face à ces fléaux, chacun mobilise ses outils intellectuels, hérités de traditions et contextes divers, mais tous convergent vers un objectif commun : éclairer un avenir incertain.
Le dialogue qui s’engage transcende les siècles et les écoles de pensée. Les principes du libre-échange s’affrontent aux critiques du capitalisme, tandis que l’intervention étatique débat avec les vertus supposées du marché. Entre la foi dans l’innovation portée par Schumpeter et la quête de stabilité prônée par Fisher, des trajectoires souvent parallèles mais parfois contradictoires, s’entrelacent dans une danse d’idées. Ce débat imaginaire devient une quête multidimensionnelle visant à surmonter une crise touchant autant l’économie que l’humanité.
La foi dans le marché
Avec la gravité d’un sage, Adam Smith (1723-1790), père du libéralisme économique, ouvre le bal. Sa voix, empreinte d’une sérénité bienveillante, fait l’éloge du marché autorégulé, cette fameuse « main invisible » qui orchestre harmonieusement les intérêts individuels pour le bien commun :
« La liberté des échanges, dit-il, est le socle sur lequel repose la prospérité des nations. En poursuivant son propre intérêt, chaque individu contribue, sans le savoir, au bien commun. »
À ses côtés, David Ricardo (1772-1823), plus austère, acquiesce. Il ajoute, d’un ton professoral : « Cependant, pour que cet équilibre perdure, les nations doivent se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs spécifiques. Le commerce international, loin d’être un jeu à somme nulle, est une source de paix et d’enrichissement mutuel, à condition qu’il repose sur des règles justes. »
La critique du capitalisme
La salle, jusque-là attentive, se tend lorsque Karl Marx (1818-1883) prend la parole. Sa voix, grave et passionnée, tranche avec les discours précédents : « Cette vision est séduisante, certes, mais elle masque une réalité brutale : le capitalisme, tel qu’il existe, n’est qu’un vaste mécanisme d’exploitation. Les travailleurs, aliénés, ne récoltent pas les fruits de leur labeur. Le capital accumulé par une minorité se fait au détriment de la majorité. » Marx insiste sur la nécessité d’une révolution des rapports de production, appelant à abolir les inégalités structurelles.
Un silence pesant s’installe, rapidement brisé par John Maynard Keynes (1883-1946), dont l’approche pragmatique vient tempérer les ardeurs révolutionnaires : « Si je partage certaines de vos inquiétudes, Monsieur Marx, je crois en la capacité des institutions à corriger les excès du capitalisme sans pour autant en renverser les fondations. L’intervention de l’État, lorsqu’elle est bien calibrée, peut stimuler l’économie en temps de crise et garantir une certaine justice sociale. Même Madame Merkel, icône de l’orthodoxie budgétaire, a récemment brisé le dogme en déclarant son soutien à un assouplissement des règles encadrant la dette publique, notamment pour permettre des investissements dans des infrastructures stratégiques. Plus keynésienne qu’elle, je meurs, Monsieur Marx ! Pensons à l’avenir : un investissement massif dans l’éducation, la santé, les réseaux de transport et la transition écologique, est le levier dont nous avons besoin. »
L’innovation comme moteur du progrès
Les mots de Keynes trouvent un écho chez Joseph Schumpeter (1883-1950), qui, d’un geste vif, se lève à son tour :
« Le progrès naît toujours du chaos, affirme-t-il. Ce que vous appelez crise, je le perçois comme une opportunité de renouveau. L’innovation détruit les anciens modèles, mais elle en crée de nouveaux, plus adaptés aux besoins contemporains. Cette destruction créatrice est le moteur du développement. Cependant, pour que cette dynamique fonctionne, nous devons encourager les entrepreneurs, les visionnaires, et ceux qui osent prendre des risques. »
D’un geste mesuré, Irving Fisher (1867-1947) intervient pour recentrer le débat : « Schumpeter a raison sur l’importance de l’innovation, mais n’oublions pas que l’instabilité financière peut réduire à néant les meilleures initiatives. La régulation des marchés, en particulier la gestion de la dette et des taux d’intérêt, est cruciale pour éviter les crises systémiques. La volatilité n’est pas seulement une conséquence du marché libre ; elle est souvent exacerbée par des comportements spéculatifs qu’il convient de contenir. »
La liberté au cœur du débat
Dans un coin de la salle, Friedrich Hayek (1899-1992) et Milton Friedman (1912-2006) échangent un regard complice avant de prendre tour à tour la parole. Hayek, d’abord, rappelle : « La liberté est le fondement de toute prospérité durable. Lorsque l’État intervient trop, il fausse les signaux du marché, créant des inefficacités qui nuisent à tous. La planification centrale est une chimère dangereuse. » Friedman renchérit : « Laisser aux individus le soin de choisir, de créer, d’échanger librement est la clé. Les marchés libres, bien qu’imparfaits, restent le meilleur moyen de garantir la croissance et l’innovation. »
Ce discours libéral trouve un contrepoint chez Paul Samuelson (1915-2009), dont la voix posée invite à la nuance :
« Hayek et Friedman ont raison de valoriser la liberté, mais ignorer les externalités négatives serait une erreur. Le marché ne peut corriger à lui seul les déséquilibres sociaux ou environnementaux. Nous devons donc trouver un équilibre : réguler suffisamment pour éviter les dérives, tout en préservant les incitations à l’innovation. »
Une vision humaniste de l’économie
Dans un élan presque poétique, Alfred Marshall (1842-1924) prend le relais :
« L’économie ne saurait être réduite à des chiffres et des courbes. Elle est d’abord une science humaine. Si nous voulons bâtir une société prospère, nous devons investir dans le capital humain : éducation, santé, conditions de travail. La richesse d’une nation repose autant sur ses ressources que sur le bien-être de ses citoyens. »
À mesure que les voix s’élèvent et s’entrelacent, un fil rouge apparaît : la conviction que la diversité des approches est une force. Loin de s’annuler, ces perspectives complémentaires offrent un prisme riche pour analyser et résoudre les crises contemporaines. Adam Smith et Karl Marx, malgré leurs divergences, semblent se rejoindre dans un constat implicite : l’économie est un outil, au service de l’humanité, et non l’inverse.
Keynes, d’une voix presque murmurée, conclut : « Ce n’est qu’en croisant nos idées que nous pourrons transcender les défis. Car, si je peux avoir tort seul, ensemble, nous avons la capacité d’avoir raison. »
Ainsi, le véritable remède aux maux du monde ne réside pas dans une doctrine unique, mais dans l’harmonie des idées, dans la rencontre féconde entre pragmatisme et utopie. Chaque pensée, telle une note isolée, peut sembler incomplète ; mais, lorsqu’elle s’harmonise avec d’autres dans une synchronisation subliminale, elle compose une symphonie capable d’apaiser les turbulences économiques et sociales.
Si l’économie, souvent perçue comme une science froide et distante, trouve ici une chaleur nouvelle, c’est grâce à une confiance dans l’intelligence collective et la convergence des forces vives. Car, isolé, chacun peut vaciller dans l’ombre de l’erreur, mais unis, nous avons le pouvoir d’éclairer une vérité plus vaste et d’ouvrir des sentiers inexplorés. Le monde, fragile comme une écorce fissurée par le temps, n’attend pas de pansements éphémères ni de greffons inappropriés, mais une vision renouvelée, profonde et audacieuse. De ce foisonnement d’idées, porté par des bâtisseurs éclairés, émergeront des solutions capables d’instaurer un équilibre fécond et durable.
Ainsi, bien que Monsieur Keynes ait rappelé, avec un brin d’ironie, « qu’à long terme, nous serons tous morts », il n’en demeure pas moins que le véritable fléau de notre époque réside dans les solutions à courte vue et les demi-mesures.
Ce dialogue imaginaire devient alors bien plus qu’un simple exercice intellectuel : il se mue en un appel vibrant à conjuguer savoir et volonté pour réinventer l’économie au service du bien commun.
Car l’avenir, s’il est incertain, ne peut se construire qu’en puisant dans la richesse de notre diversité intellectuelle et en osant des solutions à la hauteur des défis.
La croissance de demain : Régénérer, réconcilier et partager un dessein durable.
La croissance de demain :
Régénérer, réconcilier et partager un dessein durable.
Par
Jamel
BENJEMIA
L’économiste est à la fois le témoin des bouleversements du monde et le gardien des équilibres fragiles qui le sous-tendent. Enfermé dans ses modèles, souvent caricaturé en observateur stérile, il est accusé de dénoncer sans réparer. On lui reproche de ne proposer que des constats sombres, d’être le « Cassandre » désabusé d’un déclin annoncé, incapable d’élargir les horizons ou de rendre le réel accessible à tous.
Mais ce portrait, celui d’un penseur désarmé face aux tempêtes de son époque, s’efface aujourd’hui. L’économiste du XXIe siècle, confronté à l’urgence climatique, aux fractures sociales et aux limites d’un système à bout de souffle, ne peut plus se contenter d’observer. Il devient un éclaireur, un bâtisseur, un tisseur de possibles. Mariant rigueur analytique et audace créative, il se réinvente pour esquisser les contours d’une croissance à la hauteur des défis planétaires, capable de conjuguer prospérité et responsabilité, justice et durabilité.
Dans un monde ébranlé par des crises multiples, où chaque certitude semble vaciller, une question fondamentale s’impose : quel visage donner à la croissance de demain ? Ce futur ne pourra plus se mesurer à l’aune d’un PIB aveugle aux inégalités et à la destruction du vivant. Il devra embrasser une vision plus vaste, une prospérité partagée, régénérative et résiliente. Cet article s’attache à tracer les lignes de cette transition audacieuse, à travers les prismes de la régénération, de la réconciliation et du partage.
La croissance régénérative
La croissance régénérative n’est pas un simple palliatif ni une réponse timide aux excès du passé. Elle incarne une transformation profonde, une réinvention des rapports entre l’humanité et son environnement, entre production et préservation. Son ambition dépasse la simple réparation : elle aspire à un cycle créatif où les ressources, loin d’être épuisées, se renouvellent, et où la prospérité s’enracine dans une harmonie durable, à la fois sociale et écologique.
L’énergie solaire, symbole éclatant de cette mutation, marque une rupture décisive avec les combustibles fossiles. Inépuisable, elle se démocratise à mesure que ses coûts diminuent et que ses infrastructures se multiplient. Plus qu’une ressource technique, l’énergie solaire redéfinit la souveraineté énergétique et favorise l’émergence de communautés locales autonomes.
À cette source lumineuse s’ajoute l’hydrogène vert, un vecteur énergétique susceptible de révolutionner les secteurs nécessitant une décarbonation. L’hydrogène vert dépasse le simple remplacement des hydrocarbures : il restructure les chaînes de valeur, stimule l’innovation, et trace les contours d’une transition industrielle sobre et durable.
Mais la croissance régénérative ne s’arrête pas à l’énergie. Le recyclage, véritable pilier de l’économie circulaire, transforme les déchets en ressources, abolissant l’idée même de résidu. Cette boucle vertueuse, qui allie écologie et économie, génère des opportunités d’emploi, réduit la dépendance aux matières premières vierges et redynamise les territoires.
La géothermie, en exploitant la chaleur terrestre, complète cet édifice. Source propre et constante, elle alimente le chauffage, l’industrie, et stabilise les réseaux électriques. Couplée à l’énergie éolienne, terrestre et offshore, elle illustre la capacité humaine à exploiter les forces de la nature sans les altérer.
Pourtant, ces avancées technologiques ne suffiront pas si elles ne s’intègrent pas dans une vision systémique. Par exemple, le surplus d’énergie solaire ou éolienne pourrait produire de l’hydrogène vert, tandis que les déchets organiques nourriraient des circuits énergétiques circulaires. Ces synergies, coordonnées par des réseaux intelligents, transcendent les clivages technologiques et offrent un potentiel insoupçonné pour repenser nos usages.
Cependant, la régénération ne saurait se limiter à une révolution technologique. Elle exige une refonte des modèles économiques. La croissance régénérative doit être accessible à tous. Les panneaux solaires ne doivent pas rester un luxe pour quelques privilégiés, et l’hydrogène vert doit également s’inscrire dans des politiques publiques inclusives.
Ainsi, la croissance régénérative dépasse la simple réparation des erreurs passées. Elle dessine un avenir où la prospérité enrichit autant qu’elle préserve.
Une croissance réconciliée avec le vivant
Au-delà des ressources et des systèmes énergétiques, la croissance de demain devra se réconcilier avec le vivant. Cela implique une transformation profonde : replacer la nature, qui fut longtemps considérée comme une variable d’ajustement, au cœur de nos processus économiques.
L’histoire économique moderne s’est souvent bâtie sur l’idée fallacieuse d’une nature infinie, exploitée sans contrainte. Or, réconcilier croissance et vivant impose une rupture : considérer la nature comme un partenaire essentiel et non plus comme un simple réservoir de matières premières.
Planter des forêts, préserver les zones humides et régénérer les sols ne sont pas des gestes anecdotiques ou accessoires. Chaque hectare préservé, chaque espèce sauvée et chaque écosystème restauré enrichissent le capital naturel, essentiel à la prospérité humaine.
Dans le domaine agricole, l’adoption de pratiques régénératives, comme l’agroécologie, transforme les paradigmes.
Ce modèle, fondé sur la diversité des cultures et la coopération avec les cycles naturels, prouve que production alimentaire et préservation des écosystèmes ne s’opposent plus mais se renforcent mutuellement.
Nos modes de consommation devront également évoluer. Une « sobriété heureuse » pourrait émerger, valorisant les biens réparables, l’économie d’usage, et le rejet de l’obsolescence programmée. Ces pratiques, bien plus qu’un ajustement technique, traduisent une rupture culturelle majeure, alignant nos aspirations avec une coexistence respectueuse du vivant.
La sobriété : contrainte ou opportunité ?
Longtemps perçue comme une entrave au progrès, la sobriété pourrait, au contraire, offrir une opportunité inédite de retrouver une forme d’abondance authentique. En limitant notre dépendance au superflu, nous redirigeons nos efforts vers des priorités comme l’éducation, la santé et l’innovation. Produire moins, mais mieux, est à la fois un impératif écologique et une source de satisfaction.
Cette réflexion conduit à repenser nos aspirations profondes. Le bonheur réside moins dans l’accumulation matérielle que dans la richesse des relations humaines, dans les expériences partagées et dans un mode de vie en accord avec les contraintes écologiques. La sobriété devient alors une promesse d’épanouissement en harmonie avec les limites de notre planète.
Le rôle essentiel de l’inclusion sociale
Une croissance durable ne peut se concevoir sans une inclusion sociale profonde et sincère. L’accès universel à l’énergie, à l’éducation et à la santé constitue non seulement un droit, mais une condition préalable à la prospérité collective.
Des initiatives comme « Solar Mamas », pilotées par le Barefoot College en Inde, incarnent cette vision. En formant des femmes issues de milieux défavorisés à l’installation et à la maintenance de panneaux solaires, ce projet illustre comment écologie et justice sociale peuvent converger. Ces femmes, en devenant actrices de la transition énergétique, accèdent à une autonomie qui transforme leurs vies et leurs communautés.
De tels exemples démontrent que l’inclusion sociale n’est pas un coût, mais un moteur de croissance.
Vers une économie du partage
Face à des défis globaux tels que la raréfaction des ressources, l’intensification des tensions climatiques et géostratégiques, ainsi que l’aggravation des inégalités, l’économie de partage se dresse comme une alternative puissante, bousculant les logiques traditionnelles d’accumulation et de concentration des richesses.
Cette vision ne se limite pas à l’idée de mutualiser des biens ou des services. Elle repose sur une transformation systémique où l’utilisation des ressources, des compétences et des opportunités s’oriente vers une logique collective, inclusive et durable. Les plateformes numériques, bien qu’imparfaites, offrent un avant-goût de ce modèle, où la propriété laisse peu à peu place à une utilisation partagée et responsable. Le législateur doit s’assurer qu’aucune forme d’exploitation ou d’esclavage moderne ne puisse émerger sous couvert d’innovation.
Dans une économie du partage réelle, les richesses ne sont plus accumulées mais redistribuées, créant ainsi une société plus équitable, plus solidaire, et surtout plus résiliente face aux chocs à venir.
Cette transition régénérative, inclusive et fondée sur le partage, n’est ni un horizon lointain ni une utopie irréaliste. Elle commence ici et maintenant, portée par une série de choix individuels et collectifs.
La croissance de demain ne se mesurera plus uniquement en chiffres ou en taux, mais en sourires partagés, en ressources préservées, et en rêves accompagnés par une humanité réconciliée avec elle-même et avec la planète.
COP29 : Symbiose renforcée ou paralysie fatale ?
COP29 :
Symbiose renforcée
ou
paralysie fatale ?
Par
Jamel
BENJEMIA
La COP29, 29e conférence des Nations unies sur les changements climatiques, se tient cette année du 11 au 22 novembre 2024 dans la ville de Bakou, en Azerbaïdjan.
Depuis la première conférence des parties (COP) en 1995, chaque réunion a marqué une étape dans la lutte mondiale contre le réchauffement, mais cette édition se distingue par une urgence climatique inédite. Dans un contexte de records de température, d’écosystèmes en péril et de catastrophes naturelles répétées, cette conférence apparaît comme l’ultime rempart face aux tumultes d’un horizon incertain. Les dirigeants de ce monde convergent vers cette ville millénaire, entre l’espoir d’un renouveau climatique et la crainte d’un échec fatal.
Le choix de Bakou, ville emblématique des énergies fossiles, ancrée dans un passé de pipelines et de gisements, soulève un paradoxe profond. Peut-on envisager l’évolution du climat depuis un lieu qui incarne les contradictions mêmes de notre époque, écartelée entre le poids d’un passé carboné et la promesse d’une destinée décarbonée ? Bakou représente ainsi bien plus qu’un lieu de rencontre : elle est l’incarnation des tensions d’une transition encore balbutiante, où chaque décision doit trouver l’équilibre fragile entre les impératifs économiques et écologiques.
Les négociations qui s’ouvrent sous ce ciel chargé ne sont pas seulement politiques. Elles représentent une quête de sens pour une humanité en quête de rédemption, déterminée à échapper aux griffes de ses propres erreurs. Dans ces arènes diplomatiques, chaque engagement, chaque mot posé, résonne comme un serment à la terre, une réponse aux cris de la nature qui se meurt.
La crise climatique à son paroxysme
Alors que la COP29 s’apprête à délibérer, l’humanité s’avance tel un funambule, équilibriste au-dessus d’un précipice. L’année 2024 a été le théâtre d’un climat devenu fou : des vagues de chaleur suffocantes aux incendies qui ont ravagé forêts et habitats, en passant par des inondations meurtrières, chaque désastre est un signal d’alerte que notre planète envoie à ceux qui l’habitent encore. En janvier dernier, la température moyenne mondiale s’est élevée à 13,14 °C, dépassant de 0,7 °C la moyenne observée entre 1991 et 2020, selon l’Observatoire Copernicus. Ce seuil est plus qu’un chiffre, il est la marque de l’irréversible qui s’installe.
La fonte des glaciers, l’élévation rapide des océans, la destruction des poumons verts de la planète : chaque drame écologique nous plonge davantage dans une ère de désenchantement. La biodiversité, ce trésor invisible, s’érode dans un silence qui amplifie encore la gravité de la perte. Les forêts, comme l’Amazonie, ne sont plus seulement des paysages mais des victimes d’un sacrifice. Leur lente agonie rappelle que derrière chaque chiffre de CO2, il y a un monde vivant dont la survie nous est intimement liée.
Ce paysage de désolation est un présent qui s’étiole, une réalité qui s’éclipse sous nos yeux, bien plus qu’une simple image du futur. La COP29, à cet égard, n’est pas seulement une conférence, mais un acte de foi, un geste ultime de ceux qui croient encore que tout n’est pas perdu, que l’humanité peut encore répondre aux tourments d’une terre en souffrance.
Les paradoxes de Bakou
L’image de Bakou, bâtie sur les énergies fossiles, est un écho amer à l’urgence climatique. Choisie pour accueillir les négociations de cette COP29, la ville interroge et dérange. Cité érigée sur les vestiges d’un passé d’abondance carbonée, elle est aujourd’hui confrontée à un dilemme existentiel : peut-elle vraiment porter le flambeau d’une transition verte tout en demeurant fidèle à son histoire d’or noir ? Ce n’est pas seulement un défi logistique ou géographique, mais une interrogation philosophique. Peut-on sérieusement envisager une ère durable dans un lieu façonné par des énergies qui, jusque-là, symbolisaient le triomphe de l’exploitation sur la préservation ?
À cette contradiction s’ajoutent les tensions géopolitiques, celles d’une région marquée par des querelles ancestrales, notamment entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le conflit latent qui s’est dessiné au-delà des frontières rappelle combien la paix climatique dépend aussi de la paix entre les nations. Certains ont choisi de boycotter cette COP, amplifiant les fractures politiques qui gangrènent les débats, tout en détournant le regard sur d’autres tragédies. Un parfait exemple du « En même temps », où l’indignation sélective devient une posture plus confortable que l’action réelle.
Soyons conscients que chaque compromis, chaque geste diplomatique fort, porte en lui la double charge de la justice climatique et planétaire. Bakou s’impose indiscutablement comme un microcosme des tensions de notre époque, où l’écologie doit composer avec les luttes de pouvoir.
Ainsi, la capitale azérie s’impose comme un symbole complexe de notre temps, un théâtre d’attentes multiples et souvent contradictoires, à l’image de ses multiples facettes.
Espoir et impasse
La COP29 s’annonce comme un moment de vérité pour l’humanité, entre espoirs ardents et impasses redoutées. Le financement climatique, notamment pour les pays du Sud, reste une priorité absolue. Ces nations, malgré leur contribution marginale aux émissions globales, subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique. En 2023, seuls 83 milliards de dollars sur les 100 milliards promis ont été mobilisés, révélant l’écart béant entre les engagements et leur concrétisation. Chaque dollar manquant dans ce financement est une barrière de plus à la résilience des pays en première ligne des catastrophes écologiques.
À Bakou, cet objectif devient un impératif moral : les États devraient prouver si leurs promesses peuvent se traduire en soutien réel, et si les financements post-2025 seront enfin à la hauteur des besoins urgents.
Un autre enjeu crucial réside dans la mise en œuvre de l’article 6 de l’accord de Paris, qui vise à créer des marchés de carbone. Conçus avec rigueur, ces mécanismes pourraient servir de fondement à une coopération climatique mondiale authentique. Mais le risque de dérives est réel, avec les tentations de double comptage et de profit à court terme. Les délégués devront donc se montrer intransigeants, afin que ces mesures servent réellement la cause climatique et non des intérêts immédiats.
Le monde entier a les yeux rivés sur Bakou, suspendu à l’espoir que cette COP29 inspire un élan collectif, ou, à défaut, évite une paralysie fatale. Ce sommet incarne à la fois un moment de désillusion et un appel pressant à la solidarité, où le destin collectif repose sur chaque engagement et chaque décision énoncée.
Une promesse fragile
À mesure que la COP29 touche à sa fin, des compromis pèsent déjà sur les résolutions finales. Parmi les propositions figure un « paquet énergétique » global, visant à tripler les énergies renouvelables et à doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030. Cet objectif, bien qu’audacieux, est sans cesse menacé par des intérêts profondément ancrés autour des combustibles fossiles.
Sous les regards du monde entier, chaque acteur porte désormais le poids du destin commun. La planète, vulnérable et épuisée, attend un signal clair : celui d’un engagement sincère, où les paroles se transforment en actions.
En Australie occidentale, une révolution silencieuse éclaire les toits : le solaire couvre désormais 80,5 % de la production d’électricité, reléguant le gaz et le charbon à des parts modestes de 8 % chacun.
Une avancée qui prouve que, lorsqu’elle s’affirme, la volonté politique peut métamorphoser l’impossible en réalité, et éclaire la voie pour ceux qui doutent encore du potentiel d’une transition.
Cependant, cette conférence pourrait aussi marquer le point de départ d’une solidarité inédite, un moment de prise de conscience partagée. Si les accords de Bakou ne sont pas parfaits, ils tracent un chemin : celui d’un équilibre précaire mais vital entre préservation et développement. La COP29, malgré ses limites, représente une lueur d’espoir, comme le battement timide d’une promesse fragile, une ultime tentative de l’humanité pour honorer son lien avec la terre.
Bakou pourrait bien incarner cet instant décisif où le monde s’engage enfin vers une symbiose renforcée avec son avenir. Car, dans l’urgence climatique, seule une volonté inflexible saura transformer ce frémissement d’espoir en un souffle tangible, porteur d’un horizon durable.
Car de ce souffle naîtra peut-être une aurore, fragile mais lumineuse, où l’humanité apprendra enfin à s’accorder au rythme de la terre.
La révolution médicale en marche : La Tunisie doit en saisir l’opportunité.
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Par
Jamel
BENJEMIA