La "décivilisation" institutionnelle: Silencieuse, mais pernicieuse
La « décivilisation » institutionnelle : Silencieuse, mais pernicieuse
Par
Jamel
BENJEMIA
Dans la société française, un phénomène insidieux et pernicieux se profile à l’horizon, loin des projecteurs médiatiques et des discours populaires et populistes. Il s’agit de la décivilisation institutionnelle, une forme de dégradation silencieuse qui ne provient pas des actes commis par les personnes d’origine étrangère, mais plutôt des agissements des cols blancs faisant partie des institutions publiques ou privées. Cette réalité méconnue suscite des inquiétudes quant à l’érosion des principes fondamentaux de justice, d’égalité et de dignité humaine. Au-delà des stéréotypes et des préjugés, il est crucial de mettre en lumière cette problématique, afin de lutter contre ces injustices invisibles qui minent le tissu social et sapent les valeurs de la république française : égalité, fraternité et justice.
Dans notre rhétorique, une institution renvoie à une entité organisationnelle, qu’elle soit de nature publique ou privée, qui exerce des activités spécifiques et joue un rôle structurant au sein du paysage français.
L’omniprésence de la discrimination institutionnelle
La discrimination institutionnelle dans le domaine de l’emploi est un problème largement répandu et souvent méconnu.
Malgré les lois et les politiques visant à promouvoir l’égalité des chances, de nombreux demandeurs d’emploi se heurtent à des obstacles discriminatoires.
Les cas de candidats qualifiés envoyant des centaines de CV sans recevoir de réponse sont malheureusement fréquents.
Ces pratiques non seulement privent les individus de l’opportunité de travailler, mais elles perpétuent également des inégalités socio-économiques et contribuent à la marginalisation de certains groupes de la population.
Un maire d’une grande commune française suggère à un grand chef d’entreprise :
« Je ne vous demande pas de recruter mes administrés, mais simplement de les recevoir ».
Un grand groupe hôtelier français qui ne verse pas une obligation légale, à savoir la commission minimale garantie instituée par la loi Dutreil à une société mandataire, afin d’affamer le Gérant, est une attitude immorale et scandaleuse.
Les discriminations institutionnelles touchent aussi l’accès au logement, le système judiciaire et l’accès aux services publics.
Il est essentiel de reconnaitre et de dénoncer ces pratiques discriminantes qui sapent les fondements d’une société juste et égalitaire.
La discrimination institutionnelle ne peut être réduite à des simples incidents isolés ou à des actes individuels.
Elle est ancrée dans les structures, les politiques et les institutions elles-mêmes, ce qui la rend d’autant plus dangereuse et difficile à éliminer.
Lorsque les institutions chargées de garantir l’égalité et l’équité entre les individus deviennent des vecteurs de l’injustice et de la marginalisation, le tissu social se fragilise et le contrat social est rompu.
Les stéréotypes préconçus et les préjugés profondément enracinés jouent un rôle clé dans la discrimination. Ils influencent notre perception des autres, nourrissent les biais cognitifs et contribuent à maintenir les inégalités. Par exemple, les stéréotypes de genre peuvent restreindre les opportunités professionnelles des femmes, tandis que les stéréotypes raciaux peuvent engendrer des discriminations systémiques.
Les conséquences de la discrimination
La discrimination entraîne des conséquences profondes et néfastes sur les individus et la société dans son ensemble.
Les personnes discriminées font face à un stress constant, à une dégradation de leur estime de soi et à des problèmes de santé psychique.
L’accumulation des expériences discriminatoires peut engendrer un sentiment d’injustice, de colère et de frustration, affectant ainsi leur bien être global.
La discrimination mine les principes démocratiques fondamentaux tels que l’égalité des droits, la justice et la participation citoyenne. Lorsque certains groupes sont systématiquement exclus du processus décisionnel et des sphères de pouvoir, la démocratie devient tronquée et incomplète.
Des mesures concrètes doivent être prises pour combattre ces discriminations.
Ainsi toute violation d’une obligation légale doit être sanctionnée sévèrement.
Le pot de fer veut broyer le pot de terre. Encore des mois sans rémunération, en attendant le jugement du tribunal.
La fragilisation du système républicain
La décivilisation institutionnelle affaiblit le système républicain français en compromettant les principes démocratiques et les droits fondamentaux. Lorsqu’un groupe hôtelier refuse d’honorer une obligation légale qui représente le minimum vital instauré par la loi à un gérant d’origine maghrébine ou lorsqu’une commune rurale décide de doubler la taxe foncière à certains propriétaires, cela contredit les valeurs républicaines d’égalité et de non-discrimination. Ces pratiques discriminatoires fragilisent le système républicain dans son ensemble et met en péril les fondements sur lesquels repose la société française censée être fraternelle.
Les conséquences sur le tissu social
La décivilisation institutionnelle entraîne des répercussions profondes sur le tissu social. En créant des inégalités et des injustices systémiques, elle nourrit les tensions et les divisions au sein de la population. Les individus victimes de discrimination institutionnelle ressentent un sentiment d’exclusion, d’injustice et de frustration. De plus, la stigmatisation et la discrimination institutionnelle peuvent conduire à la formation de groupe communautaires isolés, fragmentant davantage la société et entravant le dialogue interculturel et intergénérationnel.
La nécessité d’une action concertée
Face à l’impact profond de la décivilisation sur le tissu social et le système républicain français, il devient impératif d’engager une action concertée pour remédier à cette situation préoccupante. Les pouvoirs publics, les institutions, la société civile et les citoyens doivent s’unir pour mettre en place des mesures efficaces de lutte contre la discrimination institutionnelle.
Tout d’abord, il est essentiel de renforcer le dispositif législatif pour combattre la discrimination sous toutes ses formes. Des lois strictes doivent être appliquées, assorties de sanctions dissuasives contre les auteurs de pratiques discriminatoires. Il est également nécessaire de sensibiliser le grand public aux droits fondamentaux et à l’importance de l’égalité en promouvant une éducation civique et sociale dès le plus jeune âge.
En parallèle, il convient de renforcer les mécanismes de contrôle et de surveillance des institutions afin de garantir leur conformité aux principes d’égalité et de justice. Des organes indépendants de surveillance doivent être mis place pour enquêter sur les cas de discrimination institutionnelle, sur les pactes de non-agression et de complaisance entre certains avocats et des grands groupes et veiller à ce que les victimes obtiennent réparation.
De plus, la promotion de la diversité et de l’inclusion doit être au cœur des politiques publiques. Il est crucial de créer un environnement où chaque individu, quelle que soit son origine, son sexe, sa religion ou sa condition, ait les mêmes opportunités et droits. Cela passe par la mise en place de programmes de sensibilisation, de formations et de mesures de discrimination positive visant à favoriser l’accès équitable aux emplois, à l’éducation et aux services publics.
Enfin, la mobilisation de la société civile est essentielle pour faire pression sur les décideurs politiques et les institutions. Les mouvements sociaux, les organisations non gouvernementales et les individus engagés doivent s’unir pour dénoncer les pratiques discriminatoires, promouvoir l’égalité et la justice, et encourager le dialogue et la coexistence harmonieuse.
La décivilisation institutionnelle constitue une menace silencieuse mais pernicieuse pour la société française. Les pratiques discriminantes qui se manifestent au sein des institutions sapent les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, et fragilisent le bien vivre-ensemble. Il est temps d’ouvrir les yeux sur cette réalité et d’agir collectivement pour mettre fin à ces injustices. Il incombe à chaque individu, à chaque institution et à la société française dans son ensemble de rejeter la discrimination institutionnelle et de promouvoir un environnement plus juste, équitable et respectueux du droit.
Mahatma Gandhi disait justement « la véritable mesure d’une société civilisée réside dans la manière dont elle traite les plus vulnérables parmi elle. »
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