Décryptage des économies : Le libéralisme à la croisée des chemins
Décryptage des économies :
Le libéralisme à la croisée des chemins.
Par
Jamel
BENJEMIA
Dans le panorama économique mondial, la France, les États-Unis, l’Allemagne et l’Angleterre émergent comme des acteurs incontournables, chacun avec son propre héritage, sa dynamique économique unique et ses défis particuliers. Ces quatre nations ont joué des rôles essentiels dans la formation du modèle économique mondial, influençant les politiques, les marchés et les idéologies depuis des décennies. Cependant, au cœur de leur succès apparent résident des impasses économiques complexes qui ébranlent les fondements même de leur système. L’intersection entre le libéralisme économique, la politique sociale, la durabilité et la transition post-Brexit crée un terrain fertile pour l’analyse. Cet article s’engage dans un voyage captivant à travers les méandres économiques de ces quatre nations, cherchant à dévoiler les nuances et les paradoxes de leurs expériences économiques.
La France et le paradoxe de la protection
En France, le paradoxe de la protection se déploie sous l’ombre des généreux filets sociaux qui chevauchent avec une économie parfois entravée.
A première vue, les généreuses mesures de protection sociales semblent incarner les valeurs d’égalité et de solidarité. Cependant, la rigidité apparente du marché de l’emploi peut en cacher des réalités plus complexes et parfois inquiétantes.
L’ubérisation de l’économie et le recours à des contrats de gérance-mandats contribuent à une flexibilité proche d’un esclavage moderne.
L’État providence, qui englobe des secteurs tels que la santé, l’éducation et les retraites, offre des avantages substantiels à la population française.
Le financement de ces programmes sociaux nécessite des charges fiscales et sociales élevées. Les prélèvements obligatoires (impôts+ cotisations) ont dépassé les 45% du PIB en 2022 (45.3%) et les dépenses publiques pour l’année 2022 représentent 58.1% du PIB.
Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République française, avait exprimé l’idée que le seuil de 40% pour les prélèvements obligatoires constituait un seuil d’alerte.
Selon sa perspective, « à 40%, l’économie verse dans le socialisme ».
« Le quoi qu’il en coûte », instauré par le président Macron en réponse à la pandémie mondiale du Covid-19, s’élève à 240 milliards d’euros (80 milliards de subventions et 160 milliards de prêts), et le bouclier tarifaire représentera 100 milliards d’euros à fin 2023.
L’approche « quoi qu’il en coûte » mise en place par le gouvernement français s’est avérée être une mesure dithyrambique, saluée pour son audace et son efficacité dans la préservation de l’économie et de l’emploi face aux défis sans précédent posés par la crise du Covid.
Selon les chercheurs de la faculté d’économie de Lille, les aides publiques aux entreprises françaises sont de l’ordre de 30 milliards d’euros en 1990 et de 160 milliards d’euros en 2019, bien avant la crise du Covid. Les entrepreneurs français naviguent souvent dans les méandres du paradoxe d’un « capitalisme sous perfusion », qui a tendance à « privatiser les bénéfices et socialiser les pertes ».
De plus, la France a encore du mal à intégrer une minorité invisible, et les récentes émeutes ne font que mettre en évidence le profond fossé qui sépare le pouvoir politique de sa jeunesse. Les défis auxquels la France est confrontée exigent un effort herculéen de la part des responsables politiques, non seulement pour garantir une protection sociale adéquate, mais aussi pour s’engager pleinement dans l’intégration sociale. Cela permettra de répondre aux aspirations des générations montantes.
Les États-Unis et l’inégalité croissante
Les États-Unis, bastion du capitalisme et du rêve américain, sont confrontés à un défi économique majeur : l’inégalité croissante. Alors que le pays a prospéré en tant que leader mondial, cette prospérité n’a pas été uniformément répartie parmi sa population. L’ascension de l’inégalité économique met en évidence les limites du modèle libéral américain et soulève des questions fondamentales sur l’équité et la stabilité sociales. Le cœur de l’inégalité croissante aux États-Unis réside dans la disparité des revenus et de la richesse. Une fraction de plus en plus mince de la population possède une part disproportionnée des richesses nationales, tandis que de vastes segments de la société luttent pour joindre les deux bouts. Au fil des décennies, les disparités de revenus se sont amplifiées, nourries par des politiques fiscales en faveur des plus riches, le phénomène de mondialisation et les avancées de l’automatisation.
Les entreprises multinationales ont souvent profité d’une réglementation souple et d’avantages fiscaux, tout en maintenant des coûts de main-d’œuvre bas, ce qui a contribué à accentuer la fracture économique.
Le modèle libéral américain, qui encourage la liberté des entreprises et la poursuite du profit individuel, a contribué à cette inégalité croissante. Le manque de réglementation adéquate et l’accent mis sur l’autorégulation ont permis aux entreprises de maximiser leurs bénéfices au détriment des travailleurs et des communautés. Les mécanismes de redistribution des richesses, tels que les systèmes de sécurité sociale et d’assurance-maladie, ont souvent été critiqués et remis en question, laissant de nombreuses personnes sans filet de sécurité en cas de difficultés économiques.
Cependant, il est important de noter que les États-Unis ne sont pas dépourvus de solutions potentielles pour lutter contre l’inégalité croissante. Des propositions politiques telles que l’augmentation du salaire minimum, la réforme fiscale progressive et l’expansion de l’accès à l’éducation peuvent jouer un rôle dans la réduction de l’écart entre les riches et les moins nantis.
De plus, les entreprises peuvent adopter des pratiques commerciales plus responsables, en mettant l’accent sur le bien-être des travailleurs et des communautés plutôt que sur les bénéfices à court terme.
L’ampleur de cette inégalité soulève des questions urgentes sur la durabilité et la stabilité de la société américaine. La recherche de solutions pour réduire l’écart entre les riches et les pauvres demeure un impératif moral et économique pour les États-Unis.
L’Allemagne et la quête de durabilité
L’Allemagne, considérée comme une locomotive économique, est aujourd’hui confrontée à un impératif puissant : la recherche de durabilité. Alors que le pays a prospéré en tant que leader industriel et exportateur, il prend de plus en plus conscience des défis environnementaux et sociaux qui accompagnent ce succès. L’équilibre entre la croissance économique et la préservation de l’environnement constitue le cœur du défi de durabilité auquel l’Allemagne doit faire face.
L’industrie lourde, notamment l’automobile et l’ingénierie, occupe une place prépondérante dans l’économie allemande. Cependant, cette orientation économique a engendré des conséquences environnementales considérables. Les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie et les déchets industriels ont créé des enjeux de durabilité auxquels l’Allemagne est désormais contrainte de résoudre. La transition vers une économie à faibles émissions de carbone s’est imposée comme une priorité cruciale, nécessitant d’importants investissements dans les énergies renouvelables, la technologie propre et la réduction de l’empreinte carbone.
La quête de durabilité en Allemagne ne se limite pas à l’environnement. Le pays est également confronté à des défis sociaux, tels que le vieillissement de la population et les inégalités économiques. Bien que le modèle de protection sociale allemand ait contribué à réduire la pauvreté et à garantir un accès équitable aux soins de santé, il doit désormais s’adapter pour répondre aux besoins grandissants des personnes âgées et des groupes vulnérables. La durabilité sociale implique également de lutter contre les disparités régionales et de promouvoir l’inclusion de tous les citoyens dans la prospérité économique.
Le paradoxe de la durabilité en Allemagne réside dans le fait que son modèle économique traditionnel constitue à la fois une force et une faiblesse. Les exportations et l’expertise industrielle ont propulsé l’Allemagne au rang d’acteur majeur sur la scène mondiale, mais ces mêmes industries sont également responsables d’une grande part de l’empreinte environnementale du pays. La nécessaire transition vers une économie durable pourrait entraîner des répercussions sur l’emploi et la compétitivité, exigeant ainsi une gestion délicate de ce processus.
Le gouvernement allemand a entrepris des mesures pour faire face à ces défis. Des initiatives telles que les projets « Energiewende » ont pour objectif de stimuler la transition énergétique, tandis que des réglementations strictes sur les émissions automobiles sont mises en place pour réduire la pollution de l’air.
De plus, l’Allemagne investit dans la recherche et l’innovation afin de développer des technologies propres et des solutions durables.
L’économie allemande est à un moment décisif, devant concilier préservation de sa position économique tout en adoptant des pratiques plus durables. La réussite de cette transition aura des implications majeures non seulement pour l’Allemagne, mais également pour l’économie mondiale dans son ensemble et pour la lutte contre le changement climatique.
L’Angleterre et l’incertitude post-Brexit
L’Angleterre, riche en histoire et en influence mondiale, se trouve actuellement à un moment critique de son développement économique post-Brexit. La décision historique de quitter l’Union Européenne a engendré d’importants défis et opportunités, remettant en question le modèle économique et politique du pays, et instaurant une période d’instabilité et d’ajustements.
Le processus de retrait de l’Union Européenne a généré des incertitudes profondes pour l’économie anglaise.
Les négociations complexes autour des accords commerciaux et des relations futures avec l’Union Européenne ont créé un climat d’instabilité, impactant les entreprises, les investissements et la confiance des marchés. Les chaînes d’approvisionnement, qui s’étendent souvent à travers l’Europe, ont été perturbées, laissant les entreprises anglaises se débattre avec des changements inattendus aux règles du commerce international.
L’incertitude post-Brexit a également entraîné des répercussions sur le secteur financier, un pilier majeur de l’économie anglaise. La City de Londres, autrefois au cœur du système financier européen, a perdu une partie de son accès au marché unique, entraînant des délocalisations d’entreprises et des perturbations sur les marchés financiers. La question de savoir si l’Angleterre conservera sa position de centre financier mondial reste un point d’interrogation majeur.
Le modèle libéral anglais, qui a longtemps favorisé le libre-échange et les relations internationales étroites, est en train d’être remodelé. L’Angleterre doit désormais forger de nouvelles alliances économiques et commerciales en dehors de l’Union Européenne.
Cependant, l’incertitude post-Brexit a également mis en lumière la résilience et l’adaptabilité de l’Angleterre. Les entreprises britanniques ont souvent cherché à diversifier leurs marchés et à innover pour s’adapter aux nouvelles réalités économiques. De plus, le gouvernement anglais a pris des mesures pour promouvoir l’investissement et la compétitivité, en lançant des initiatives visant à stimuler la recherche et l’innovation.
L’incertitude actuelle offre à la fois des défis et des opportunités, obligeant l’Angleterre à repenser son modèle économique, à forger de nouvelles alliances et à naviguer dans un paysage mondial en mutation. L’histoire en cours de l’Angleterre post-Brexit servira de leçon sur l’ampleur audacieuse voire aventureuse de la prise de décisions politiques et économiques à l’ère de l’incertitude mondiale.
Les économies de la France, des États-Unis, de l’Allemagne et de l’Angleterre, chacune avec sa propre palette de complexités et de paradoxes, nous offrent un fascinant aperçu des défis mondiaux.
Au-delà de leurs réussites, ces nations sont confrontées à des croisées des chemins qui les obligent à réévaluer les fondements de leurs systèmes économiques.
Cette exploration minutieuse nous pousse à une profonde réflexion sur la trajectoire que ces économies en mutation sont susceptibles d’emprunter, ainsi que sur la façon dont elles pourraient remodeler le paysage économique mondial à l’avenir.
Ces nations ont la responsabilité de promouvoir un libéralisme authentiquement social et humain.
À mon avis, le véritable libéralisme doit transcender la simple liberté économique pour embrasser une liberté qui célèbre et respecte la dignité de chaque être humain.
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