Vers une renaissance industrielle en Tunisie ?
Vers une renaissance
industrielle
en
Tunisie
?
Par
Jamel
BENJEMIA
La désindustrialisation, un phénomène aux multiples facettes, est devenue une préoccupation majeure dans de nombreuses économies occidentales, notamment en France.
Au cœur de cette transformation économique, la réduction significative de la part de l’industrie manufacturière dans le produit intérieur brut (PIB) a engendré des bouleversements sociaux, économiques et culturels considérables. La France, nation qui a longtemps été façonnée par son riche patrimoine industriel, n’a pas échappé à cette tendance mondiale, et les conséquences de la désindustrialisation sont devenues manifestes dans le paysage économique et social.
La désindustrialisation est un processus complexe, qui résulte d’une convergence de facteurs économiques, politiques et culturels.
Elle se manifeste par la fermeture d’usines et la délocalisation des activités vers d’autres régions ou pays.
En 2001, Serge Tchuruk, le PDG d’Alcatel, tel un stratège à la courte vue, proclamait : « Nous rêvons de devenir une entreprise sans usine dans un avenir très proche. »
Le constat, 20 ans plus tard, est la disparition d’Alcatel-Lucent suite à son rachat par Nokia. Ce dénouement ironique de cette stratégie nous rappelle que parfois, les aberrations économiques sont comme des navires fous qui finiront inéluctablement par s’écraser sur le récif implacable de la réalité.
À la différence d’Alcatel, le redressement de Renault doit en grande partie à Carlos Ghosn, qui a, bien évidemment, compris l’importance de ne pas négliger le marché des voitures économiques, ce qui explique le grand succès de la gamme Dacia. Cependant, il est regrettable de constater l’ingratitude envers un PDG arabe et un excellent visionnaire.
Les causes de la désindustrialisation
En analysant le cas français, la désindustrialisation est le résultat de multiples facteurs interdépendants qui ont évolué au fil des décennies. Pour comprendre les causes de cette transformation économique, il est essentiel d’examiner les éléments qui ont contribué à la réduction de la part de l’industrie manufacturière dans l’économie française.
L’une des causes fondamentales de la désindustrialisation en France réside dans l’évolution de l’image de l’industrie. Alors qu’elle fut longtemps considérée comme un moteur de prospérité et de fierté nationale, l’industrie a progressivement acquis une réputation négative. Elle est devenue synonyme de secteur vieillissant, polluant et dépassé.
Cette transformation culturelle a influencé les préférences de carrière des jeunes générations. Les métiers industriels ont perdu de leur attrait, rendant le recrutement de jeunes talents pour les entreprises manufacturières plus difficile. Cette évolution a eu un impact direct sur la capacité de l’industrie à innover et à maintenir sa compétitivité.
La France a traversé plusieurs crises industrielles majeures au cours du XXème siècle, notamment la crise de la sidérurgie, du textile et des chantiers navals, pour n’en citer que quelques-unes. Ces crises ont entraîné la fermeture d’usines, la perte d’emplois et la délocalisation d’activités industrielles.
Ces chocs successifs ont fragilisé certaines régions françaises, comme le Nord et l’Est, qui ont été particulièrement touchées par la désindustrialisation. Les effets de ces crises sont encore visibles aujourd’hui, avec des zones économiquement fragiles et des populations qui ont été laissées pour compte.
L’intégration européenne a joué un rôle significatif dans la désindustrialisation. Les entreprises françaises ont dû faire face à la concurrence de pays européens aux coûts de main-d’œuvre plus bas.
En entrant dans la zone euro, la France a mis en place des politiques économiques qui ont parfois été mal adaptées pour maintenir la compétitivité de son industrie. Par exemple, la réduction de la durée légale du travail à 35 heures par semaine s’est faite sans que des réformes structurelles importantes ne l’accompagnent. En revanche, l’Allemagne a entrepris des réformes audacieuses, notamment les lois Hartz, qui ont amélioré la compétitivité de son industrie.
Une autre cause de la désindustrialisation réside dans l’illusion que les services pourraient remplacer l’industrie en tant que moteur de croissance.
Au fil des décennies, la France a mis l’accent sur la croissance des services, au détriment de son industrie manufacturière.
Cette transition a été motivée par l’idée que les centres de recherche et d’innovation pourraient se substituer aux usines. Cette vision a sous-estimé l’importance de la compétitivité industrielle pour l’économie nationale.
L’un des défis fondamentaux de la désindustrialisation en France réside dans la compétitivité. Les coûts de production élevés, les charges sociales importantes et les rigidités du marché du travail ont compliqué la compétitivité sur les marchés internationaux
Les conséquences de la désindustrialisation
La désindustrialisation a un impact profond sur une économie, affectant divers aspects de la société et de l’État. Les conséquences de ce processus sont nombreuses et variées, et il est important de les comprendre pour envisager des stratégies d’atténuation ou de réversion.
L’une des conséquences les plus directes de la désindustrialisation est le déclin de l’emploi dans le secteur industriel. Les fermetures d’usines et la réduction de la production manufacturière entrainent des drames sociaux. En France, des régions entières ont été touchées par le chômage industriel, créant des poches de pauvreté et de désespoir.
La France a vu augmenter sa dépendance vis-à-vis des services, ainsi que des importations de biens manufacturés. Cette vulnérabilité économique peut devenir un problème majeur en cas de perturbations internationales, comme le montre la pandémie de COVID-19.
La désindustrialisation peut entraîner la perte de souveraineté économique et politique. La France a pris conscience de sa vulnérabilité en matière d’approvisionnement en produits essentiels, tels que les médicaments pendant la crise du COVID-19.
La Tunisie devrait veiller à maintenir sa souveraineté économique en développant des secteurs stratégiques et en évitant la dépendance excessive à l’égard d’autres pays.
Elle devrait investir dans la recherche et le développement pour maintenir sa capacité d’innovation et de compétitivité.
De plus, la Tunisie devrait chercher à développer ses exportations industrielles tout en répondant à la demande intérieure.
Un narratif puissant pour la réindustrialisation
La réindustrialisation, cette quête de renouveau industriel, exige bien plus que des politiques économiques et des réformes structurelles. Elle requiert un récit puissant qui inspire les dirigeants et mobilise les citoyens. Le récit de la réindustrialisation est la trame sur laquelle s’inscrit l’avenir économique d’une nation.
Le récit de la réindustrialisation doit commencer par une reconnaissance claire : la réindustrialisation doit devenir une priorité nationale.
Il est essentiel de positionner cette vision au sommet de l’agenda politique. Cela signifie qu’elle doit être soutenue par des ressources, des mesures incitatives et une coordination gouvernementale efficace.
Le récit commence ici, avec l’engagement à faire de l’industrialisation un pilier de la croissance nationale.
Un récit puissant de la réindustrialisation doit mettre l’accent sur l’innovation et la recherche. Les dirigeants tunisiens devraient promouvoir l’idée que l’innovation est la clé de la compétitivité et du succès industriel. Ce récit doit célébrer les esprits créatifs, les entrepreneurs visionnaires et les chercheurs déterminés. L’engagement en faveur de l’innovation devrait être au cœur de cette histoire.
La réindustrialisation doit s’appuyer sur une main-d’œuvre hautement qualifiée. Le récit doit encourager les investissements massifs dans l’éducation et la formation professionnelle. Il doit mettre en lumière les opportunités offertes par l’industrie pour les jeunes talents.
Le récit de la réindustrialisation doit embrasser la transition écologique. Les dirigeants tunisiens doivent faire comprendre que l’industrie du futur sera verte, axée sur la durabilité environnementale. Le récit doit célébrer les opportunités liées aux énergies renouvelables, aux technologies propres et à la réduction des émissions de carbone. La Tunisie peut devenir un acteur majeur de cette transformation verte.
Le récit de la réindustrialisation doit également embrasser l’idée d’indépendance économique et de souveraineté nationale. Les dirigeants tunisiens doivent peindre un tableau où le pays se libère des chaînes de la dépendance étrangère. Le récit doit évoquer la fierté de produire localement, de contrôler ses propres ressources et de garantir l’autosuffisance alimentaire et médicamenteuse.
Le récit de la réindustrialisation doit célébrer le courage et la créativité des entrepreneurs et les soutenir dans leur quête de réussite.
Il est essentiel de créer un récit qui galvanise le pays tout entier, incitant les citoyens à croire en la possibilité d’une industrie tunisienne renouvelée et prospère. C’est un appel à l’action, un appel à l’unité, un appel à l’avenir. Le récit de la réindustrialisation peut être une mélodie qui guide la Tunisie vers une ère nouvelle d’industrie florissante et de prospérité partagée.
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