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De « Halte à la croissance » à la « Terre pour Tous ».

26 Novembre 2023 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

De « Halte à la croissance »

à la

« Terre pour Tous ».                                      

                                                                         

Par

 Jamel

BENJEMIA                               

                


                                     

 

Le nouveau rapport du Club de Rome, intitulé « Terre pour Tous », offre un voyage dans le temps, replongeant dans les années 1972, époque où le Club de Rome lançait un cri d’alarme vibrant quant aux dangers intrinsèques à une expansion économique galopante, entravée par les limites inhérentes à la loi des rendements décroissants.

Le slogan « Halte à la croissance » de 1972 a retenti comme une mise en garde, mettant en évidence les dangers d’un effondrement du système planétaire si la société continuait sa quête insatiable de croissance, en ignorant les limites des ressources naturelles.

Alors que notre planète est désormais marquée  par l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes, le Club de Rome réapparaît après plus de cinquante ans avec un rapport novateur intitulé « Terre pour Tous ».

Fruit de la collaboration d’une équipe cosmopolite de scientifiques, d’économistes et d’experts de différentes disciplines, contrairement à l’équipe Meadows exclusivement composée d’Américains, ce rapport offre une lueur d’espoir face aux crises actuelles et aux bouleversements qui se profilent à l’horizon.

Depuis l’appel initial à « Halte à la Croissance », le monde a évolué,  et les crises environnementales ont pris une ampleur croissante. Dans cette perspective, le rapport actuel s’appuie sur des décennies de recherche, mettant en avant trois piliers fondamentaux issus des travaux de la Commission sur l’économie transformationnelle, du modèle « Earth4All » développé par Jörgen Randers, et d’une campagne d’information constamment mise à jour sur leur site web.

Ces piliers constituent les fondements d’une nouvelle vision économique, visant à sortir du modèle néolibéral défaillant qui a caractérisé le début du 21ème siècle.

 Alors que le modèle de croissance économique infinie montre ses limites, le rapport « Terre pour Tous » propose une trajectoire alternative, mettant en lumière l’impératif critique de prendre en considération les neuf « Limites Planétaires » définies par l’équipe de Johan Rockström, directeur du Postdam Institute for Climate Impact Research.

Les neufs « Limites Planétaires » incluent la perte de biodiversité, le changement climatique, le cycle de l’azote, le cycle du phosphore, l’acidification des océans, la diminution de la couche d’ozone, l’utilisation de l’eau douce, la perturbation du système terrestre par les aérosols atmosphériques et la pollution chimique.

Cette approche représente un progrès notable par rapport aux inquiétudes initiales du rapport Meadows de 1972. En 2023, il est important de souligner que seules trois de ces neufs limites n’ont pas encore été dépassées : la diminution de la couche d’ozone, la perturbation du système terrestre par les aérosols atmosphériques et la pollution chimique.

 

 

Le contexte historique

Dans les années 1972, le monde faisait face à des défis écologiques et économiques sans précédent. C’est dans ce contexte que le Club de Rome, un groupe de réflexion a émis un avertissement majeur à travers son slogan « Halte à la Croissance ».

Le slogan du Club de Rome était profondément ancré  dans le rapport publié en 1972, « Les limites de la croissance », également connu sous le nom de rapport Meadows. Ce document, rédigé par une équipe de chercheurs américains dirigée par Dennis Meadows, a utilisé un modèle informatique appelé « World3 » pour évaluer l’impact de la croissance continue sur les ressources naturelles limitées de la planète. Le message central était clair : une croissance économique sans limites dans un monde infini mènerait à l’effondrement du système planétaire.

Bien que les conclusions du rapport Meadows n’aient pas été totalement ignorées, l’appel à mettre fin à la croissance incontrôlée n’a pas été suivi d’effets significatifs. Cependant, il a eu un impact majeur en sensibilisant le public aux questions environnementales et en contribuant à la montée du mouvement écologique. Dans les années 1970 et 1980, cette sensibilisation a conduit à la mise en place de réglementations visant à protéger l’environnement dans divers pays.

Notre réflexion s’attarde également sur les défis auxquels le monde était confronté à cette époque, tels que la crise pétrolière, les préoccupations croissantes concernant la pollution de l’air et de l’eau, ainsi que les premiers signes de changement climatique. Ces problèmes ont alimenté les discussions sur la nécessité d’un changement de cap dans la manière dont la société percevait et poursuivait la croissance économique.

Cependant, les décennies suivantes ont également vu l’essor du néolibéralisme, caractérisé par une confiance renouvelée dans le marché libre et une focalisation sur la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) comme indicateur clé de la prospérité.

Ce modèle économique, financiarisé et axé sur la croissance, a persisté malgré les avertissements antérieurs.

 

 

Une nouvelle vision

Le nouveau rapport du Club de Rome, intitulé « Terre pour Tous », se dresse comme une réponse audacieuse et innovante face aux défis écologiques et économiques contemporains. Fruit d’un travail collaboratif d’une équipe internationale d’experts pluridisciplinaires, ce rapport se distingue par sa volonté de tracer un chemin vers une transformation économique plus juste et durable.

Le rapport s’appuie sur les travaux de la Commission sur l’économie transformationnelle, un groupe de penseurs économiques de premier plan.

Ces propositions se nourrissent d’une analyse approfondie des liens complexes entre l’économie, l’environnement et le bien-être humain.

Une autre pierre angulaire de cette vision novatrice réside dans le modèle de dynamique des systèmes baptisé « Earth4All », conçu par Jörgen Randers, un expert renommé dans le domaine des interactions entre l’économie, l’environnement et le bien-être humain. Ce modèle propose une approche intégrée pour comprendre et résoudre les défis majeurs auxquels la planète est confrontée.

« Terre pour Tous » va au-delà de l’analyse théorique en proposant des solutions concrètes pour faire face aux crises actuelles. Il insiste sur la nécessité de sortir du modèle économique libéral, caractérisé par une fuite en avant productiviste et une économie extractive. La reconnaissance du fait que la Terre est entrée dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène, marque également une évolution par rapport aux conclusions du rapport Meadows.

Ainsi, « Terre pour Tous » s’inscrit dans la continuité des préoccupations du passé tout en apportant des éléments novateurs, offrant une vision complète et actualisée pour orienter notre trajectoire vers un avenir plus durable.

 

 

 

Les défis

 

La mise en œuvre des propositions audacieuses formulées par « Terre pour Tous » ne se fera pas sans défis significatifs.

L’un des défis majeurs est la résistance des intérêts établis. Les acteurs économiques qui profitent le plus du modèle actuel, en particulier les compagnies pétrolières et les industries extractives, peuvent s’opposer vigoureusement aux changements radicaux préconisés par « Terre pour Tous ».

La préservation des profits et des avantages acquis dans le cadre du système existant peut générer une opposition puissante à la transition vers une économie plus durable.

Le paysage politique mondial constitue également une zone de confrontation potentielle. Les politiques économiques actuelles reposent souvent sur la croissance du PIB comme indicateur central de la réussite. Les dirigeants politiques et les gouvernements peuvent hésiter à adopter des mesures impopulaires ou à remettre en question les situations de favoritisme, de privilèges injustifiés et d’exploitation abusive.

Lutter contre la pauvreté, diminuer significativement les disparités, favoriser l’autonomie des femmes, rétablir un système alimentaire sain et initier une transition vers une énergie propre constituent des piliers interdépendants d’une transformation réussie.

L’annulation de la dette des nations démunies se profile comme une goutte d’eau dans l’océan financier, surtout à la lumière des sommes colossales allouées aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient. Cependant, cette mesure demeure impérative pour doter les nations à faibles revenus des moyens financiers nécessaires à l’amélioration du bien-être de leurs citoyens et à la résistance à la migration induite par les bouleversements climatiques.

« Terre pour Tous » propose de réaffecter les milliards de dollars de subventions actuellement dévolus aux énergies fossiles vers des Fonds Citoyens Nationaux (FCN). Ces fonds distribueraient un équivalent d’un « revenu universel de base », une innovation clé pour combattre les inégalités et protéger les populations des perturbations économiques. La taxation des plus fortunés, qu’il s’agisse de sociétés ou de particuliers, contribuerait à alimenter ces fonds.

« Terre pour Tous » s’affirme comme un appel retentissant à l’action collective, transcendant les limites du temps et des frontières géographiques.

Il dévoile une trajectoire vers une transformation économique radicale, façonnée par la justice sociale, la résilience et la durabilité.

En adoptant la vision de « Terre pour Tous », en dépassant les intérêts individuels pour le bien commun, nous sommes à même de tisser un monde où la prospérité s’équilibre et la planète s’épanouit.

Le nouveau rapport du Club de Rome résonne comme une boussole, pointant la voie vers un avenir plus durable et inclusif. Il est grand temps de répondre à cet appel avec une détermination sans faille, car la terre est un bien commun, et l’avenir se sculpte à travers nos actions.

 

De « Halte à la croissance » à la « Terre pour Tous ».

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