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Marchés publics : dépassons les pièges du « moins-disant ».

28 Janvier 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

 Marchés publics : dépassons les pièges du « moins-disant ».                                   

                                                                         

  Par

Jamel

BENJEMIA                               

                
                                     

 

Dans le contexte des marchés publics tunisiens, la stratégie du « moins-disant » suscite fréquemment critiques et débats, engendrant des répercussions dévastatrices sur la qualité des projets. En favorisant systématiquement l’offre la moins couteuse, cette approche semble avoir piégé la Tunisie dans une situation préoccupante.

Les infrastructures, initialement conçues comme des leviers du développement, sont aujourd’hui des témoins silencieux des lacunes inhérentes à une orientation exclusivement financière. La question centrale qui se pose est la suivante : peut-on légitimement compromettre la solidité des infrastructures au nom de coûts initiaux moins élevés ?

Cette analyse se focalise sur des aspects clés visant à remédier aux déficiences du « moins-disant ». Le cahier des charges, document fondamental, joue un rôle essentiel dans la définition des attentes et des normes de qualité. De plus, le respect strict des délais et la digitalisation des appels d’offres émergent comme des leviers essentiels pour instaurer une gouvernance transparente et efficiente.

A travers cette exploration approfondie, il devient impératif de remettre en question la règle du « moins-disant » et de collaborer activement à une réforme significative plaçant la qualité, le respect des délais, la transparence et la participation au cœur des marchés publics tunisiens.

 

Les lacunes du « moins-disant »

Les marchés publics, en tant qu’outil clé du développement économique en Tunisie, sont soumis à une stratégie de sélection d’offres basée sur le critère du « moins-disant ». Ce choix, motivé par la nécessité de rationaliser les dépenses publiques, est devenu un principe directeur dans l’attribution des contrats publics. Cependant, derrière cette logique budgétaire apparente, se cachent des lacunes et des risques significatifs.

Premièrement, les fissures constatées dans certains ouvrages à peine quelques mois après leur construction illustrent de manière éloquente les compromis effectués au nom de la réduction des coûts initiaux. Le réaménagement du stade « El Menzah » a entraîné l’installation d’une ossature obstruant la vue d’une partie des spectateurs, compromettant ainsi l’objectif premier d’améliorer les installations sportives en vue d’une augmentation de leur capacité et de leur homologation par les instances sportives internationales.

 Le « moins-disant » privilégie souvent des offres des matériaux moins chers sans tenir suffisamment compte de leur résistance à long terme. Cette approche négligente conduit à des défaillances structurelles précoces, mettant en péril la sécurité des infrastructures et sapant la confiance du public dans ces réalisations.

Deuxièmement, le « moins-disant » contribue fréquemment à des retards conséquents dans l’exécution des projets. Les soumissionnaires, cherchant à minimiser les coûts, peuvent être tentés de proposer des délais irréalistes. Ces retards non seulement entravent la réalisation efficace des projets, mais peuvent également entraîner des surcoûts imprévus, compromettant ainsi la planification globale des initiatives publiques.

En somme, les lacunes du « moins-disant » se manifestent à travers des malfaçons dans les infrastructures, soulignant la nécessité urgente de repenser la stratégie d’attribution des marchés publics en Tunisie. La qualité, la sécurité, et la transparence devraient prévaloir sur une approche qui, trop souvent, sacrifie l’efficacité au profit de coûts initiaux réduits.

 

Le rôle du cahier des charges

Lorsque le critère financier prend le dessus, les exigences de qualité et les spécifications techniques deviennent floues, ouvrant la voie à des interprétations ambiguës.

Premièrement, le cahier des charges établit clairement les exigences techniques, fonctionnelles et esthétiques d’un projet, fournissant ainsi un cadre de référence incontournable pour évaluer la conformité des réalisations aux attentes initiales.

Deuxièmement, un cahier des charges bien élaboré favorise la transparence et l’équité dans le processus d’attribution des marchés publics, en définissant les règles du jeu de manière claire et équitable, ce qui réduit les risques de malentendus, de litiges et de favoritisme.

Troisièmement, la qualité du cahier des charges influence directement la compétitivité des offres. Un document bien structuré, précis et complet attire les soumissionnaires qualifiés et encourage une concurrence loyale.

En résumé, l’importance du cahier des charges réside dans sa capacité à définir clairement les attentes, à favoriser la transparence, à stimuler la concurrence et à garantir l’efficacité opérationnelle.

Investir dans des cahiers des charges bien conçus représente un levier stratégique pour la réussite des projets publics, contribuant ainsi au développement durable et à la confiance accrue des citoyens dans la gestion des ressources publiques.

Le respect des délais

Le strict respect des délais revêt une importance capitale dans tout projet, surtout dans le cadre exigeant des marchés publics, jouant un rôle déterminant dans la réussite et l’efficacité des initiatives. Cette ponctualité dépasse l’efficacité opérationnelle et constitue également une composante essentielle de la gestion transparente et responsable des ressources publiques.

En premier lieu, le respect des délais s’avère indispensable pour établir et maintenir la confiance des parties prenantes. Citoyens, entreprises et autorités s’attendent à ce que les projets publics soient menés à terme conformément aux délais fixés. Des retards significatifs peuvent avoir des répercussions financières, perturber les projets locaux et compromettre la crédibilité des institutions publiques.

En résumé, le respect des délais dans les projets publics constitue une pierre angulaire de la gouvernance responsable. Il garantit la confiance des citoyens, optimise l’utilisation des ressources et contribue à la réussite globale des initiatives.

La digitalisation

La digitalisation de l’appel d’offres révolutionne la modernisation des marchés en abandonnant les procédures papier au profit de méthodes électroniques. Cette transition simplifie et accélère le processus, rendant les documents accessibles en ligne et réduisant les délais administratifs. La transparence est renforcée grâce à une diffusion instantanée et équitable des appels d’offres, éliminant les inégalités d’accès à l’information. De plus, la traçabilité en temps réel des soumissions et des échanges minimise les risques d’erreurs. L’utilisation de technologies avancées, comme les algorithmes d’analyse de données, améliore la qualité de l’évaluation des offres, accélérant la sélection tout en réduisant les erreurs humaines. Enfin, la digitalisation contribue à une gestion plus durable des ressources en réduisant significativement l’empreinte carbone associée aux procédures papier.

 En résumé, cette évolution technologique répond de manière moderne aux défis des marchés publics, favorisant une gestion plus efficace et responsable des ressources publiques.

 Il devient évident que la législation des marchés publics nécessite une transformation profonde, orientée vers des principes fondamentaux tels que la transparence, la responsabilité et le sens civique. Plutôt que d’ajouter des textes juridiques complexes, l’accent devrait être mis sur des réglementations simples et compréhensibles, soutenues par une communication proactive envers le public pour assurer une compréhension générale.

La transparence doit être érigée en principe directeur, de la publication des appels d’offres à la proclamation des résultats, favorisant la confiance dans le processus et permettant une participation citoyenne éclairée.

Ainsi, au lieu de surcharger la législation, la véritable avancée réside dans la création d’un cadre réglementaire transparent, responsable et en phase avec les attentes de la société.

Cette refonte permettra aux marchés publics tunisiens d’évoluer vers une efficacité accrue, jouant un rôle moteur dans le développement durable et éthique du pays.

En suggérant la mise en place d’un grand ministère des grands projets doté des habilitations « transgouvernementales », lui permettant de légiférer en matière d’urbanisme, d’écologie et d’aménagement du territoire, le pays peut s’orienter vers une gestion plus intégrée et stratégique de son décollage économique, répondant ainsi aux enjeux actuels et futurs. Cette approche pourrait également contribuer à résoudre les problèmes liés aux projets non réalisés, estimés il y a quelques années, à plus de 17 milliards de dinars selon un ancien Chef du gouvernement.

Sachant que le taux de rendement moyen des investissements en Tunisie est de 10 à 15% selon les estimations de la Banque Mondiale, un investissement productif de 17 milliards de dinars pourrait potentiellement générer un accroissement du PIB d’environ 2 points de croissance.

 

 

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