L’érosion côtière au Maghreb : une impérieuse nécessité d’action
L’érosion côtière au Maghreb :
une impérieuse nécessité d’action
Par Jamel
BENJEMIA
Le littoral maghrébin, riche en diversité écologique et culturelle, représente une ressource vitale pour les pays de la région. Non seulement il abrite une biodiversité exceptionnelle, inscrite parmi les 25 principales zones critiques de biodiversité au monde, mais il constitue également un moteur économique majeur.
Les activités liées à l’économie bleue, telles que le tourisme et la pêche, jouent un rôle significatif dans le PIB et assurent des moyens de subsistance à des millions de personnes dans les pays maghrébins. En effet, le littoral est le lieu de vie et de travail de la majorité de la population de la région, soulignant ainsi son importance sociale et économique indéniable.
Cependant, malgré son importance cruciale, le littoral maghrébin est confronté à une menace croissante : l’érosion côtière. Cette érosion, exacerbée par des facteurs anthropiques tels que l’extraction du sable, le développement non durable des infrastructures côtières, et même la pratique persistante du déversement des eaux usées dans certaines régions, met en péril les écosystèmes côtiers ainsi que les moyens de subsistance des populations locales. Face à cette menace grandissante, il est impératif d’agir rapidement et efficacement pour préserver la santé et la vitalité du littoral maghrébin.
Causes et conséquences de l’érosion
Les causes et les conséquences de l’érosion côtière au Maghreb sont multifactorielles et ont des répercussions significatives sur les écosystèmes côtiers et les populations locales.
D’une part les pressions anthropiques jouent un rôle majeur dans l’aggravation de l’érosion côtière dans le Maghreb.
Dans une danse implacable, l’extraction excessive de sable, souvent destinée à la construction, dérobe aux rivages leur précieuse source de régénération, les condamnant ainsi à une disparition lente mais inexorable. Parallèlement, le développement anarchique des infrastructures côtières (paillotes, digues, routes, extensions hôtelières…), perturbe le ballet millénaire des sédiments, accentuant davantage l’étreinte de l’érosion. Sous le regard impassible des barrages érigés le long des fleuves intérieurs, le flux vital des sédiments vers le littoral est entravé, privant les plages de leur capacité régénératrice. Et tel un sombre écho, les eaux usées, abandonnées sans remords dans certaines régions, viennent alourdir le fardeau de l’érosion côtière, souillant irrémédiablement ces rivages jadis immaculés.
D’autres part, les conséquences de l’érosion côtière sont multiples et touchent à la fois les écosystèmes et les communautés humaines.
Sur le plan écologique, l’érosion côtière entraîne la perte d’habitats naturels essentiels tels que les dunes, les mangroves et les récifs coralliens, affectant ainsi la biodiversité marine et terrestre.
De plus, la diminution des plages expose les terres intérieures aux risques d’inondation et de submersion, menaçant les infrastructures côtières et les habitations situées à proximité.
Sur le plan socio-économique, l’érosion côtière menace les moyens de subsistance des populations locales dépendantes de l’économie bleue, tels que les pêcheurs et les travailleurs du secteur touristique, en réduisant les ressources disponibles et en provoquant une perte de revenus.
Les pouvoirs publics doivent prendre des mesures urgentes pour atténuer ces pressions et mettre en place des stratégies de gestion intégrée des zones côtières afin de préserver la santé et la résilience du littoral maghrébin.
Analyses des données et constats
L’analyse des données et des constats sur l’érosion côtière au Maghreb permet de comprendre l’ampleur du phénomène et ses implications à long terme pour la région.
Une étude menée par des chercheurs en collaboration avec des organisations telles que le Centre National d’Océanographie (NOC) au Royaume Uni et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a permis d’obtenir des données précises sur l’évolution du littoral maghrébin. Ces données ont révélé que l’érosion côtière progresse à un rythme alarmant dans la région, dépassant largement la moyenne mondiale.
Tel un vieux conte dont les pages se tournent au fil des ans, le littoral maghrébin a vu ses rivages reculer, inexorablement grignotés par les flots insatiables. Entre les années 1984 et 2016, chaque année, il perdait en moyenne 15 centimètres de sa précieuse étendue, un rythme effréné qui dépasse de loin le modeste avancement de 7 centimètres par an observé à l’échelle mondiale. C’est ainsi que, sous le poids des marées implacables, se jouait le drame silencieux de la disparition progressive de ces terres baignées par les eaux bleues de la mer Méditerranée et de l’océan Atlantique.
Ce rythme d’érosion est particulièrement prononcé en Tunisie, où le littoral recule de près de 70 centimètres par an en moyenne, suivi de la Libye avec 28 centimètres par an.
Au Maroc, le recul est également significatif, atteignant 12 centimètres par an sur la façade atlantique et 14 centimètres par an sur la côte méditerranéenne.
Cette analyse met en lumière les zones les plus touchées par l’érosion côtière, identifiant des « points chauds » où le recul du littoral est particulièrement rapide.
Ces constats soulignent l’urgence d’agir pour protéger ces zones vulnérables et prévenir une détérioration encore plus importante des écosystèmes côtiers.
En outre, l’étude a permis d’estimer les coûts économiques annuels associés à l’érosion côtière dans la région. Les pertes de terres et d’infrastructures représentent environ 2.8% du PIB en Tunisie, 0.7% en Libye, 0.4% au Maroc et 0.2% en Algérie.
Ces coûts ne prennent cependant pas en compte d’autres facteurs économiques importants, tels que la diminution des revenus issus du tourisme ou de la pêche, ce qui suggère que le véritable impact économique de l’érosion côtière pourrait être beaucoup plus important.
Mesures de lutte contre l’érosion côtière
Pour lutter contre l’érosion côtière au Maghreb, des mesures concrètes doivent être mises en place, combinant des approches basées sur la nature et des interventions d’ingénierie.
La gestion durable des côtes nécessite la mise en œuvre de programmes de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC), impliquant la coordination entre différents acteurs pour planifier et mettre en œuvre des stratégies de préservation du littoral. Dans le cadre de ces programmes, les solutions basées sur la nature sont privilégiées, telles que la stabilisation des dunes par la plantation de végétation native et la réhabilitation des récifs coralliens.
Parallèlement, des mesures d’ingénierie dites « douces » peuvent être mises en œuvre, telles que le rechargement des plages et l’installation de brise-vent.
Enfin, la lutte contre l’érosion côtière nécessite également des mesures de gestion des ressources naturelles, telles que l’interdiction de l’extraction illégale du sable et le déversement des eaux usées, ainsi que la rénovation des barrages sur les fleuves à l’intérieur des terres.
Recommandations et perspectives futures
Les recommandations et perspectives futures pour lutter contre l’érosion côtière au Maghreb sont essentielles pour assurer la durabilité et la résilience des écosystèmes côtiers ainsi que la protection des populations locales.
Tout d’abord, il est important que les États du Maghreb renforcent leur préparation et leur capacité à faire face aux effets néfastes de l’érosion côtière. Cela passe par la mise en œuvre de politiques et de réglementations robustes visant à limiter les activités anthropiques qui contribuent à l’érosion côtière.
L’érosion côtière au Maghreb représente un défi majeur qui nécessite une action immédiate et coordonnée.
Ce phénomène menace la biodiversité, l’économie et les communautés locales de la région, mettant en péril les moyens de subsistance et la sécurité des populations vivant le long du littoral.
Cependant, malgré les défis posés par l’érosion côtière, il existe des solutions potentielles qui peuvent atténuer son impact et promouvoir un développement durable des zones côtières.
La mise en œuvre de programmes de gestion intégrée des zones côtières, combinée à des mesures de protection naturelles et à des interventions d’ingénierie, peut contribuer à renforcer la résilience des écosystèmes côtiers et à préserver les communautés qui en dépendent.
En outre, la coopération régionale et internationale est essentielle pour aborder efficacement le problème de l’érosion côtière.
Les États du Maghreb devraient collaborer avec d’autres pays riverains de la Méditerranée ainsi qu’avec des organisations internationales telles la Banque mondiale et l’Union Européenne pour partager des connaissances, des ressources et des meilleures pratiques en matière de gestion intégrée des zones côtières.
Enfin, il est important d’adopter une approche adaptative et évolutive dans la gestion de l’érosion côtière, en tenant compte des changements environnementaux et socio-économiques à long terme.
En agissant de manière proactive et en mettant en œuvre des solutions durables, les États du Maghreb peuvent protéger leurs littoraux et assurer un avenir viable pour les générations futures.
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