Langage et époque : Nouveaux mots, nouvelles mentalités.
Langage et époque :
Nouveaux mots, nouvelles mentalités.
Par
Jamel
BENJEMIA
Chaque année, l’apparition de nouveaux mots dans les dictionnaires comme Larousse et le Petit Robert offre une fenêtre fascinante sur l’évolution de nos sociétés.
Les mots ne sont pas de simples outils de communication, mais de véritables témoins de notre époque, reflétant nos préoccupations, nos innovations, et nos transformations culturelles.
Si les années 80 étaient marquées par des termes joyeusement désuets tels que « planchiste », « wishbone » et « banane sur la tête », l’édition 2025 nous présente des réalités bien différentes.
Aujourd’hui, les « trottinettistes » et les « platistes » prennent la scène, avec des mots comme « empouvoirement » et « détox digitale » qui témoignent de nouvelles luttes et obsessions.
Les années 80 respiraient l’insouciance, une exubérance où la mode et les loisirs dictaient souvent les tendances linguistiques.
Passons à 2024, et nous découvrons un autre visage de cette rébellion urbaine :
Le trottinettiste moderne, souvent associé à des images de vitesse et de risque, défiant les règles de sécurité.
Ajoutez à cela les platistes, ces adeptes de la théorie de la Terre plate, et nous obtenons une image de notre société contemporaine où le scepticisme et la défiance envers les faits établis sont omniprésents.
En 1981, la nationalisation était perçue comme la clé de la gestion économique, avec une confiance inébranlable en l’État.
Cependant, la désétatisation a rapidement gagné du terrain, transformant la perception de l’État en une unité à réduire.
Après la période de Covid19, l’impératif industriel a fait un retour en force, et même les vieilles usines à charbon renaissent de leurs cendres dans certains coins d’Europe.
En France, la vulgarisation économique a évolué de l’élégance raffinée du Professeur Barre dans les années 80 à une version édulcorée pour les nuls, hâtivement griffonnée par Bardella en 2024.
L’apparition des mots comme « empouvoirement », « détox digitale » et « écogeste » révèle aussi nos nouvelles priorités : l’autonomisation, le bien-être personnel et la protection de l’environnement.
Ces termes ne sont pas de simples tendances passagères, mais des signaux d’un changement profond dans nos modes de vie et nos valeurs.
De la mode et des loisirs des années 80 à la technologie et l’écologie aujourd’hui, les mots évoluent pour capturer l’essence de nos préoccupations et de nos engagements.
Cet article tente d’explorer ces changements de mentalités à travers le prisme des nouveaux mots intégrés dans l’édition 2025 des dictionnaires en les comparant avec les années 80, et en soulignant ce que cela révèle de notre société contemporaine.
Des planchistes aux trottinettistes
Dans les années 80, l’imaginaire collectif était peuplé de planchistes s’éclatant sur leurs planches à roulettes, arborant fièrement leur banane sur la tête et parlant un verlan jubilatoire.
Ces figures d’insouciance représentaient une époque où l’individualisme et l’excentricité étaient célébrés sans réserve.
Le skate et le surf incarnaient un esprit de rébellion douce, une manière de défier la norme tout en s’amusant.
Les termes de cette époque évoquaient une vie simple et exubérante, où la mode et les loisirs dictaient souvent les tendances linguistiques.
Mais passons rapidement à 2024. Désormais, la rébellion urbaine prend une forme bien différente avec les trottinettistes.
Ces héros modernes du slalom sur l’asphalte, souvent associés à des images de vitesse et de danger, se faufilent dans la jungle urbaine en défiant les règles de sécurité.
Leur présence illustre une quête de liberté encore plus anarchique que celle de leurs prédécesseurs sur roulettes.
À cette rébellion s’ajoutent les platistes, fervents adeptes de la théorie de la Terre plate.
Leur existence même dans notre lexique souligne une montée du scepticisme et de la défiance envers les faits établis.
La langue, fidèle miroir de la société, s’enrichit de ces termes révélateurs de nouveaux comportements et mentalités.
Ce n’est plus seulement une question de mobilité urbaine, mais une réalité où chaque déplacement est à la fois un besoin pratique et un acte de défi.
Les mots d’aujourd’hui montrent une société plus fragmentée, où les certitudes vacillent sous l’assaut des théories farfelues.
L’époque contemporaine se distingue par une méfiance généralisée envers les institutions et les vérités scientifiques. Cette défiance se traduit par l’émergence de termes qui reflètent un paysage mental en perpétuelle mutation.
Ainsi, de la planche au bitume, de l’insouciance joyeuse à la contestation anarchique, notre vocabulaire s’adapte, se transforme et capture l’essence d’une époque où la rébellion, autrefois douce et festive, devient un terrain de jeu pour les nouvelles passions et préoccupations urbaines.
De l’empouvoirement à l’écogeste
Les années 80 étaient marquées par les santiags et les charentaises, symboles d’un confort domestique et du pantouflage d’une partie des élites.
En 2024, la réalité est bien différente. La « détox digitale » s’est imposée comme un impératif moderne.
Alors que la société des années 80 privilégiait le tangible et le local, notre époque est obsédée par la quête du bien-être numérique et la nécessité de se déconnecter dans un monde sursaturé de technologie.
Dans les années 80, nous redoutions les virus informatiques, ces intrus sournois qui s’infiltraient dans nos ordinateurs, perturbant notre quiétude numérique naissante.
En 2024, les cyberattaques ont pris des allures de guerre des étoiles, où les hackers à l’ordre de certains pays s’affrontent dans un ballet sombre de lumières et d’ombres, tissant des toiles invisibles dans le vaste cosmos digital.
La « détox digitale » et l’« écogeste » incarnent ces nouvelles priorités : le bien-être personnel et la protection de l’environnement.
Ces termes dépassent la simple mode passagère pour signaler un profond changement dans nos modes de vie et nos valeurs.
L’apparition du mot empouvoirement, une adaptation du terme anglais « empowerment », reflète également cette transformation.
Ce concept, centré sur le développement personnel et l’engagement progressiste, puise ses racines dans les mouvements féministes et sociaux.
Contrairement aux années 80, où l’autonomisation individuelle suffisait, notre époque nécessite des termes plus percutants pour exprimer la quête de pouvoir personnel et collectif.
Le langage devient ainsi un outil de lutte et de revendication, un moyen de remodeler la société à travers les mots.
Les termes « verdir » et « écogeste » illustrent une prise de conscience écologique autrefois marginale mais désormais centrale face aux changements climatiques.
Ces mots incarnent la volonté collective de réévaluer notre rapport à la nature, de réduire notre empreinte écologique et d’adopter des modes de vie plus durables.
Le langage s’adapte pour exprimer ces engagements, signalant un changement de mentalité où la responsabilité individuelle et collective envers l’environnement est devenue une valeur fondamentale.
Ainsi, le vocabulaire de 2024 traduit une société en quête de renouveau et de responsabilité.
Les mots que nous utilisons aujourd’hui ne sont pas seulement des reflets de notre réalité quotidienne, mais des instruments actifs dans la transformation de nos comportements et nos mentalités.
Ils incarnent notre passage d’un monde de confort et d’insouciance à une époque de conscience accrue et de responsabilité partagée.
Certains puissants de ce monde n’ont pas encore saisi l’essence du changement, tandis que leurs peuples, eux, se tiennent à l’avant-garde, pionniers actifs d’une révolution en marche.
Nous avons traversé une époque où la mode et les loisirs sculptaient les tendances linguistiques, pour entrer dans une ère dominée par la technologie, l’écologie et l’engagement social.
Aujourd’hui, les mots sont devenus les éclaireurs de notre monde, des outils précieux pour comprendre et transformer notre réalité.
En scrutant ces évolutions linguistiques, nous dévoilons les dynamiques profondes de notre société et les défis qui l’attendent.
Les mots, témoins silencieux de notre temps, révèlent avec finesse les mentalités et les valeurs qui nous façonnent.
Leur étude nous offre une perspective unique, un miroir poétique et fluide reflétant les aspirations et les inquiétudes de notre époque.
À travers le prisme de la langue, nous naviguons entre passé et futur, capturant l’essence de nos transformations et la promesse d’un monde en constante réinvention.
Car, dans chaque mot réside une parcelle de notre époque, chaque syllabe façonne nos mentalités, et chaque expression révèle notre essence.
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