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COP29 : Symbiose renforcée ou paralysie fatale ?

17 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

 COP29 : 
Symbiose renforcée

ou

paralysie fatale ?                                      
            
   Par

Jamel

BENJEMIA                                
                
                         

La COP29, 29e conférence des Nations unies sur les changements climatiques, se tient cette année du 11 au 22 novembre 2024 dans la ville de Bakou, en Azerbaïdjan.
Depuis la première conférence des parties (COP) en 1995, chaque réunion a marqué une étape dans la lutte mondiale contre le réchauffement, mais cette édition se distingue par une urgence climatique inédite. Dans un contexte de records de température, d’écosystèmes en péril et de catastrophes naturelles répétées, cette conférence apparaît comme l’ultime rempart face aux tumultes d’un horizon incertain. Les dirigeants de ce monde convergent vers cette ville millénaire, entre l’espoir d’un renouveau climatique et la crainte d’un échec fatal.
Le choix de Bakou, ville emblématique des énergies fossiles, ancrée dans un passé de pipelines et de gisements, soulève un paradoxe profond. Peut-on envisager l’évolution du climat depuis un lieu qui incarne les contradictions mêmes de notre époque, écartelée entre le poids d’un passé carboné et la promesse d’une destinée décarbonée ? Bakou représente ainsi bien plus qu’un lieu de rencontre : elle est l’incarnation des tensions d’une transition encore balbutiante, où chaque décision doit trouver l’équilibre fragile entre les impératifs économiques et écologiques.
Les négociations qui s’ouvrent sous ce ciel chargé ne sont pas seulement politiques. Elles représentent une quête de sens pour une humanité en quête de rédemption, déterminée à échapper aux griffes de ses propres erreurs. Dans ces arènes diplomatiques, chaque engagement, chaque mot posé, résonne comme un serment à la terre, une réponse aux cris de la nature qui se meurt.

La crise climatique à son paroxysme


Alors que la COP29 s’apprête à délibérer, l’humanité s’avance tel un funambule, équilibriste au-dessus d’un précipice. L’année 2024 a été le théâtre d’un climat devenu fou : des vagues de chaleur suffocantes aux incendies qui ont ravagé forêts et habitats, en passant par des inondations meurtrières, chaque désastre est un signal d’alerte que notre planète envoie à ceux qui l’habitent encore. En janvier dernier, la température moyenne mondiale s’est élevée à 13,14 °C, dépassant de 0,7 °C la moyenne observée entre 1991 et 2020, selon l’Observatoire Copernicus. Ce seuil est plus qu’un chiffre, il est la marque de l’irréversible qui s’installe.
La fonte des glaciers, l’élévation rapide des océans, la destruction des poumons verts de la planète : chaque drame écologique nous plonge davantage dans une ère de désenchantement. La biodiversité, ce trésor invisible, s’érode dans un silence qui amplifie encore la gravité de la perte. Les forêts, comme l’Amazonie, ne sont plus seulement des paysages mais des victimes d’un sacrifice. Leur lente agonie rappelle que derrière chaque chiffre de CO2, il y a un monde vivant dont la survie nous est intimement liée.
Ce paysage de désolation est un présent qui s’étiole, une réalité qui s’éclipse sous nos yeux, bien plus qu’une simple image du futur. La COP29, à cet égard, n’est pas seulement une conférence, mais un acte de foi, un geste ultime de ceux qui croient encore que tout n’est pas perdu, que l’humanité peut encore répondre aux tourments d’une terre en souffrance.


Les paradoxes de Bakou


L’image de Bakou, bâtie sur les énergies fossiles, est un écho amer à l’urgence climatique. Choisie pour accueillir les négociations de cette COP29, la ville interroge et dérange. Cité érigée sur les vestiges d’un passé d’abondance carbonée, elle est aujourd’hui confrontée à un dilemme existentiel : peut-elle vraiment porter le flambeau d’une transition verte tout en demeurant fidèle à son histoire d’or noir ? Ce n’est pas seulement un défi logistique ou géographique, mais une interrogation philosophique. Peut-on sérieusement envisager une ère durable dans un lieu façonné par des énergies qui, jusque-là, symbolisaient le triomphe de l’exploitation sur la préservation ?
À cette contradiction s’ajoutent les tensions géopolitiques, celles d’une région marquée par des querelles ancestrales, notamment entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le conflit latent qui s’est dessiné au-delà des frontières rappelle combien la paix climatique dépend aussi de la paix entre les nations. Certains ont choisi de boycotter cette COP, amplifiant les fractures politiques qui gangrènent les débats, tout en détournant le regard sur d’autres tragédies. Un parfait exemple du « En même temps », où l’indignation sélective devient une posture plus confortable que l’action réelle.
Soyons conscients que chaque compromis, chaque geste diplomatique fort, porte en lui la double charge de la justice climatique et planétaire. Bakou s’impose indiscutablement comme un microcosme des tensions de notre époque, où l’écologie doit composer avec les luttes de pouvoir.
Ainsi, la capitale azérie s’impose comme un symbole complexe de notre temps, un théâtre d’attentes multiples et souvent contradictoires, à l’image de ses multiples facettes.


Espoir et impasse


La COP29 s’annonce comme un moment de vérité pour l’humanité, entre espoirs ardents et impasses redoutées. Le financement climatique, notamment pour les pays du Sud, reste une priorité absolue. Ces nations, malgré leur contribution marginale aux émissions globales, subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique. En 2023, seuls 83 milliards de dollars sur les 100 milliards promis ont été mobilisés, révélant l’écart béant entre les engagements et leur concrétisation. Chaque dollar manquant dans ce financement est une barrière de plus à la résilience des pays en première ligne des catastrophes écologiques.
À Bakou, cet objectif devient un impératif moral : les États devraient prouver si leurs promesses peuvent se traduire en soutien réel, et si les financements post-2025 seront enfin à la hauteur des besoins urgents.

Un autre enjeu crucial réside dans la mise en œuvre de l’article 6 de l’accord de Paris, qui vise à créer des marchés de carbone. Conçus avec rigueur, ces mécanismes pourraient servir de fondement à une coopération climatique mondiale authentique. Mais le risque de dérives est réel, avec les tentations de double comptage et de profit à court terme. Les délégués devront donc se montrer intransigeants, afin que ces mesures servent réellement la cause climatique et non des intérêts immédiats.
Le monde entier a les yeux rivés sur Bakou, suspendu à l’espoir que cette COP29 inspire un élan collectif, ou, à défaut, évite une paralysie fatale. Ce sommet incarne à la fois un moment de désillusion et un appel pressant à la solidarité, où le destin collectif repose sur chaque engagement et chaque décision énoncée.

Une promesse fragile
À mesure que la COP29 touche à sa fin, des compromis pèsent déjà sur les résolutions finales. Parmi les propositions figure un « paquet énergétique » global, visant à tripler les énergies renouvelables et à doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030. Cet objectif, bien qu’audacieux, est sans cesse menacé par des intérêts profondément ancrés autour des combustibles fossiles. 
Sous les regards du monde entier, chaque acteur porte désormais le poids du destin commun. La planète, vulnérable et épuisée, attend un signal clair : celui d’un engagement sincère, où les paroles se transforment en actions.
En Australie occidentale, une révolution silencieuse éclaire les toits : le solaire couvre désormais 80,5 % de la production d’électricité, reléguant le gaz et le charbon à des parts modestes de 8 % chacun.
Une avancée qui prouve que, lorsqu’elle s’affirme, la volonté politique peut métamorphoser l’impossible en réalité, et éclaire la voie pour ceux qui doutent encore du potentiel d’une transition.
Cependant, cette conférence pourrait aussi marquer le point de départ d’une solidarité inédite, un moment de prise de conscience partagée. Si les accords de Bakou ne sont pas parfaits, ils tracent un chemin : celui d’un équilibre précaire mais vital entre préservation et développement. La COP29, malgré ses limites, représente une lueur d’espoir, comme le battement timide d’une promesse fragile, une ultime tentative de l’humanité pour honorer son lien avec la terre.
Bakou pourrait bien incarner cet instant décisif où le monde s’engage enfin vers une symbiose renforcée avec son avenir. Car, dans l’urgence climatique, seule une volonté inflexible saura transformer ce frémissement d’espoir en un souffle tangible, porteur d’un horizon durable. 
Car de ce souffle naîtra peut-être une aurore, fragile mais lumineuse, où l’humanité apprendra enfin à s’accorder au rythme de la terre.

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