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Pour une macroéconomie pragmatique et inclusive.

3 Novembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Pour une macroéconomie pragmatique et inclusive.


  Par

Jamel

BENJEMIA     
                   

L’économie mondiale chancelle, secouée par des crises répétées où les bulles financières éclatent, les dettes publiques explosent, et la précarité gagne même les territoires autrefois porteurs de croissance. Les inégalités atteignent des niveaux inquiétants, tandis que le climat, fragilisé par l’activité humaine, appelle des réponses urgentes. Face à cette complexité, les modèles économiques traditionnels – qu’ils soient keynésiens ou monétaristes – peinent à fournir des solutions adaptées. Leurs prescriptions rigides, issues d’une autre époque, se révèlent insuffisantes face aux défis contemporains.

Dans ce contexte, une approche novatrice prend forme : celle d’une macroéconomie pragmatique et inclusive, qui conjugue rigueur analytique et adaptabilité stratégique. Cette vision rejette les dogmes pour cibler les enjeux économiques, sociaux, et environnementaux de manière nuancée. Il ne s’agit plus de choisir entre croissance et inclusion, entre stabilité financière et durabilité écologique, mais bien de les faire converger pour édifier un modèle résilient et humain. Cet article explore les principes et les leviers de cette approche innovante, et propose un paradigme où l’économie sert l’intérêt général, s’adapte aux aléas, et s’oriente résolument vers l’avenir.


Les limites des modèles économiques traditionnels
Les modèles économiques traditionnels, bien qu’ils aient apporté des éclairages pertinents par le passé, révèlent aujourd’hui leurs limites. Le keynésianisme, qui prône la relance de la demande pour contrer les crises, a prouvé son efficacité, mais son impact s’affaiblit dans le contexte actuel de restrictions budgétaires et de multiplicateurs amoindris. Les dépenses publiques, jadis un moteur fiable, peinent désormais à produire les effets escomptés, leur portée s’émoussant face aux complexités contemporaines.

À l’opposé, le monétarisme, centré sur le contrôle de la masse monétaire pour contenir l’inflation, se heurte aux réalités d’un système financier où les capitaux circulent au-delà des frontières. Les crises récentes, notamment celle de 2008, ont mis en lumière l’illusion des marchés prétendument efficients, où les prédictions échouent et les bulles spéculatives se multiplient. Face à ces échecs répétés, l’urgence d’un modèle économique plus flexible et adaptable s’impose.

Aujourd’hui, les défis économiques, sociaux, et environnementaux, tous intimement liés, requièrent une approche qui dépasse les cadres théoriques rigides du passé. Il est désormais crucial de concevoir des solutions sur mesure, qui prennent en compte les spécificités de chaque contexte économique. C’est dans cette optique que la macroéconomie pragmatique et inclusive se profile, comme un modèle centré sur l’humain et enraciné dans les impératifs sociaux et écologiques de notre époque.


Les principes d’une macroéconomie pragmatique et inclusive
Le pilier de cette approche est la flexibilité. Dans un monde en perpétuelle mutation, les règles rigides ne suffisent plus. La macroéconomie pragmatique privilégie une évaluation dynamique des contextes, adaptant les politiques budgétaires aux besoins réels. Ainsi, plutôt que de se conformer à des seuils de déficit arbitraires, il devient pertinent de laisser temporairement filer le déficit en période de récession, pour soutenir la demande et éviter le chômage. À l’inverse, en période de surchauffe, des ajustements budgétaires permettent de limiter l’inflation.
Un second principe fondamental est la coordination entre les instruments budgétaires et monétaires. Trop souvent, ces deux leviers fonctionnent indépendamment, ce qui limite leur efficacité. Dans un modèle pragmatique, leur synchronisation est primordiale. En période de récession, une relance budgétaire doit être soutenue par une politique monétaire expansionniste. Ce tandem permet non seulement de stimuler la consommation, mais aussi d’encourager l’investissement privé par des taux d’intérêt plus bas, amplifiant ainsi les effets des mesures budgétaires. Une telle coordination offre une réponse globale aux chocs économiques, maximisant l’impact de chaque instrument.
Enfin, la macroéconomie pragmatique et inclusive intègre des objectifs sociaux et environnementaux, au-delà de la simple croissance. Elle prend acte de l’urgence de la justice sociale et de la durabilité écologique. Pour une société résiliente, les fruits de la croissance doivent être équitablement répartis, et l’économie doit respecter les limites de la planète. Concrètement, cela passe par la taxation des externalités négatives, comme la pollution, et par des politiques fiscales favorisant les initiatives qui réduisent les inégalités. Une économie durable ne peut ignorer ces coûts sociaux et environnementaux, car ils compromettent sa pérennité. En intégrant ces dimensions, cette approche propose une vision plus stable et inclusive de l’économie, en phase avec les défis contemporains.

Libérer l’économie pour stimuler l’innovation
L’un des obstacles les plus pesants à la croissance économique réside dans la rigidité bureaucratique. Chaque formalité supplémentaire bride l’initiative des entreprises et des investisseurs, étouffant la dynamique nécessaire au progrès économique. Simplifier les démarches administratives, rendre les textes juridiques clairs et accessibles, et alléger les autorisations bureaucratiques deviennent ainsi des leviers essentiels. Un climat des affaires propice repose également sur un cadre législatif transparent, où un code des investissements précis encourage l’engagement des acteurs économiques et le flux des capitaux.
En allégeant le fardeau bureaucratique qui pèse sur la macroéconomie, les gouvernements libèrent des ressources nouvelles qui, autrement, resteraient inexploitées. Cette simplification offre un terreau fertile à l’innovation et à l’entrepreneuriat, favorisant l’émergence de secteurs novateurs et la création de nouvelles richesses, tout en contribuant à l’atteinte des objectifs sociaux et environnementaux. Une macroéconomie pragmatique et inclusive doit nécessairement tenir compte de ce lien fondamental, en renforçant la capacité de l’économie à s’adapter et à prospérer.
La croissance repose en effet sur une lutte continue contre les pesanteurs bureaucratiques qui étouffent l’initiative et paralysent le progrès. Mais ce combat se livre aussi, abstraction faite des régimes politiques, contre les spéculateurs en herbe et contre cette poignée de sangsues nostalgiques, attachés aux passe-droits et aux privilèges d’un autre temps, qui freinent tout élan vers une économie ouverte et équitable.


Les instruments d’une macroéconomie pragmatique et inclusive
La politique budgétaire est un levier essentiel pour promouvoir inclusivité et durabilité. Dans une approche pragmatique, cela signifie adopter une fiscalité progressive pour redistribuer les richesses et financer des programmes sociaux, tout en investissant dans des infrastructures vertes. Les dépenses publiques devraient être ciblées vers des secteurs qui, en plus de stimuler l’activité économique, apportent un bien-être durable : l’éducation, la santé, et les technologies vertes. Une telle orientation des dépenses participe à la résilience économique et sociale.
La régulation financière est également cruciale pour éviter les crises. Une politique macroprudentielle, avec des exigences de fonds propres pour les banques et des limitations sur les prêts spéculatifs, contribue à réduire les risques. Dans un modèle pragmatique, cette régulation inclut des mesures facilitant l’accès au crédit pour les petites entreprises et les ménages à faibles revenus, tout en limitant les prises de risque excessives. Cela permet de construire un secteur financier inclusif, tout en préservant sa stabilité.
En matière de politique monétaire, les instruments traditionnels comme les taux d’intérêt doivent être complétés par des outils non conventionnels, tels que l’assouplissement quantitatif et le ciblage des taux longs. Ces instruments permettent d’ajuster les conditions de financement de l’économie dans des situations complexes, tout en soutenant les objectifs budgétaires pour offrir une réponse complète aux crises.

Les défis de la mise en œuvre 
La force de ce modèle réside dans sa flexibilité et sa capacité à s’adapter aux fluctuations économiques et aux impératifs de notre époque. En rompant avec les dogmes figés, il permet un ajustement continu, indispensable dans un monde où le changement est la seule constante. Cette flexibilité, cependant, exige une coordination minutieuse entre gouvernements, banques centrales et régulateurs financiers, de même qu’un accès fiable aux données économiques. Sans une synergie forte, les initiatives risquent de se contredire, affaiblissant la stabilité et l’efficacité globales.

L’intégration des objectifs sociaux et environnementaux représente un autre défi majeur, surtout à court terme. Les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone, le méthane, etc.), par exemple, peuvent imposer des coûts immédiats à certaines industries, menaçant des emplois si elles ne sont pas planifiées avec soin. Cela appelle à une anticipation stratégique des compromis nécessaires pour réduire les résistances et préserver la cohésion sociale. La transition écologique, incontournable, requiert une progression mesurée pour éviter des fractures sociales.

En définitive, la macroéconomie pragmatique et inclusive ouvre une voie audacieuse, alliant flexibilité, coordination et inclusivité pour bâtir un modèle résilient, apte à répondre aux crises, à réduire les inégalités et à promouvoir un développement durable. Bien que son déploiement pose des défis—de coordination accrue et d’équilibrage des objectifs divergents—, ses bienfaits potentiels en font une approche inestimable.

Dans cette époque de transformations rapides et d’incertitudes, ce modèle se dresse comme une réponse nécessaire pour un avenir plus juste et durable. En plaçant l’économie au service du bien commun et de la planète, il rompt avec les modèles passés et dépassés. Car il n’est plus question de dompter la croissance, mais de l’inspirer, en faisant de chaque défi un levier pour un monde où l’équité et la pérennité forment les deux pôles de notre horizon.

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