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Réinventer la gestion de portefeuille, au-delà de l’efficience des marchés.                     

1 Septembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Réinventer la gestion de portefeuille, au-delà de l’efficience des marchés.                                           

     

Par Jamel

BENJEMIA                               

                                                                                           
                                     

 

Depuis la bulle des tulipes au XVIIe siècle jusqu’à l’effondrement du marché immobilier en 2008, les crises financières ont mis en lumière les failles de la théorie de l’efficience des marchés. Ce concept bien qu’élégant, semble ignorer les réalités chaotiques qui animent l’économie mondiale.

L’hypothèse d’efficience du marché, pierre angulaire de la finance moderne, a longtemps dominé la pensée économique en suggérant que les prix des actifs reflètent toujours l’information disponible, laissant peu de place à l’erreur ou à l’opportunité.

Pourtant, les crises financières, comme la bulle internet des années 2000 ou la crise des subprimes de 2008, ont révélé des fissures profondes dans cette sacro-sainte théorie.

Comment expliquer ces emballements irrationnels, ces chutes brutales, si les marchés sont supposés parfaitement efficients ?

Ces épisodes nous rappellent que l’économie est une science humaine, imprégnée d’incertitudes, de peurs et d’espoirs, que la mathématique ne saurait totalement capter.

À cela s’ajoute l’impact croissant des algorithmes, ces entités invisibles qui décryptent, analysent et réagissent en une fraction de seconde.

Leur émergence a transformé les marchés en un espace où l’efficience est soumise à la vitesse, créant des dynamiques nouvelles et souvent imprévisibles.

 

 

Les limites de l’efficience des marchés

En 2010, le « Flash Crash » a montré comment des algorithmes de trading haute fréquence peuvent provoquer des fluctuations erratiques en quelques minutes. Loin de renforcer l’efficience, ces algorithmes peuvent exacerber les inefficacités en amplifiant des mouvements erratiques, rendant les marchés plus volatils et parfois déconnectés des fondamentaux.

L’hypothèse d’efficience des marchés néglige aussi l’influence du comportement humain, ce facteur irrationnel qui défie toute logique économique rationnelle.

Les biais cognitifs, la panique et l’euphorie façonnent les décisions des investisseurs bien plus que ne le permettrait un modèle rationnel.

Considérez l’exemple de la bulle internet des années 2000 : les investisseurs emportés par l’euphorie de rater une opportunité, ont ignoré les fondamentaux économiques, gonflant ainsi les valorisations jusqu’à l’inévitable éclatement.

Enfin, l’émergence des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement bouleverse encore davantage cette hypothèse, introduisant des valeurs et des choix qui échappent à la simple analyse financière.

Ainsi, l’hypothèse d’efficience des marchés, bien que séduisante dans sa simplicité, se heurte aux complexités du monde réel, où les marchés loin d’être parfaitement efficients, sont un reflet imparfait des forces irrationnelles et des technologies qui les animent.

 

 

Le modèle B.A.S.E

Face à ces bouleversements, une nouvelle approche est nécessaire. Mon modèle B.A.S.E propose une nouvelle manière de gérer les portefeuilles en intégrant quatre dimensions clés qui reflètent la complexité actuelle :

Le comportemental (Behavioral) (B), l’algorithmique (Algorithmic) (A), le systémique (Systemic) (S), et ESG (Environmental, Social, Governance) (E).

Chacune de ces dimensions apporte une perspective unique et indispensable pour la prise de décision en matière d’investissement.

Là où Markowitz et ses successeurs se concentraient sur l’équilibre entre risque et rendement, B.A.S.E ajoute une couche de profondeur en tenant compte des biais cognitifs des investisseurs, du rôle prépondérant des algorithmes dans les fluctuations des marchés, des risques systémiques qui peuvent faire vaciller des économies entières, et des impératifs éthiques et durables que l’on ne peut plus ignorer.

La véritable nouveauté de B.A.S.E réside dans sa capacité à tisser ces éléments en une stratégie cohérente et résiliente.

Ce modèle ne cherche pas seulement à maximiser le rendement ajusté au risque, mais à construire un portefeuille qui reflète la complexité du monde actuel.

 

 

Formulation

Mon modèle B.A.S.E propose une formule de pondération des actifs dans le portefeuille, qui combine les quatre facteurs déjà mentionnés ci-dessus :

Bi : composante comportementale de l’actif i

Ai : composante algorithmique de l’actif i

Si : composante systémique de l’actif i

Ei : composante ESG de l’actif i

α, β,γ,δ : pondérations de composantes, ajustées selon l’importance relative de chaque facteur.

Le dénominateur de la formule Wi joue un rôle crucial dans la normalisation des pondérations individuelles des actifs, de manière à ce que la somme des pondérations Wi pour tous les actifs du portefeuille soit égale à 1, c’est-à-dire 100% du portefeuille. Cela garantit que chaque Wi est une proportion relative de l’ensemble du portefeuille, ajustable en fonction des priorités de l’investisseur (investisseur prudentiel ou aimant le risque).

 

 

Validation empirique et perspectives

Pour évaluer la robustesse du modèle B.A.S.E, une validation empirique est indispensable. Cette validation pourrait prendre la forme de « backtests » réalisés sur des données historiques couvrant plusieurs cycles économiques.

En appliquant B.A.S.E à un portefeuille diversifié, il serait possible de comparer ses performances à celles des modèles traditionnels comme Markowitz ou le Modèle d’Evaluation des Actifs financiers (CAPM).

Les résultats attendus devraient révéler une meilleure résilience aux crises systémiques, une réduction de la volatilité liée aux biais comportementaux, et une performance alignée avec les critères ESG, démontrant ainsi l’efficacité du modèle B.A.S.E dans un environnement complexe.

En termes de perspectives, le modèle B.A.S.E offre un cadre flexible, susceptible d’évoluer avec les marchés.

De plus, l’extension de ce modèle à d’autres classes d’actifs, comme les crypto-monnaies ou les investissements alternatifs, pourrait ouvrir de nouvelles voies pour une gestion de portefeuille encore plus diversifiée et résiliente.

Enfin, le modèle pourrait être un outil précieux pour les régulateurs, en leur fournissant un cadre pour évaluer la stabilité systémique et promouvoir les investissements durables dans un monde financier en mutation constante. 

La mise œuvre du modèle B.A.S.E peut être optimisée grâce à l’intelligence artificielle (IA), qui permet de traiter et d’analyser d’immenses volume de données en temps réel. L’IA facilite l’ajustement dynamique des pondérations des composantes en fonction des évolutions du marché. Pour l’ESG, l’accent sur le bilan carbone offre une mesure claire et standardisée de l’impact environnemental, rendant l’intégration plus précise.

Enfin, en privilégiant les stratégies prudentielles dans la composante comportementale, le modèle renforce sa résilience face aux biais cognitifs, en alignant les décisions d’investissement avec une gestion des risques plus rigoureuse.

 

 

Réinventer la gestion de portefeuille

Imaginons un instant le modèle B.A.S.E à l’œuvre lors du Krach de 1929 : au lieu d’être surpris par la défaillance systémique, ce modèle aurait pu, grâce à ses curseurs de retournement et à ses composantes comportementales et systémiques, réduire les expositions aux actifs les plus vulnérables.

De même, durant l’éclatement de bulle technologique en 2000, B.A.S.E aurait pu avertir des surévaluations excessives, incitant à un rééquilibrage opportun des portefeuilles. Quant à la crise des subprimes de 2008, le modèle aurait, par sa prise en compte des signaux systémiques et des critères ESG, écarté les actifs toxiques liés à l’immobilier, minimisant ainsi les pertes.

Le modèle B.A.S.E n’est pas seulement un outil de gestion de crise. Il est le fruit d’une analyse minutieuse des échecs passés, intégrant les leçons du passé pour éclairer le présent.

Sa capacité à combiner des éléments aussi variés que le comportement des marchés, les signaux algorithmiques, les risques systémiques et les critères ESG, en fait un allié incontournable dans un environnement financier toujours plus complexe et incertain.

Adopter le modèle B.A.S.E, c’est accepter une nouvelle responsabilité dans la gestion de portefeuille. Ce n’est plus seulement chercher à battre le marché, mais comprendre que chaque décision d’investissement entraîne des répercussions qui dépassent les rendements financiers.

En réinventant la gestion de portefeuille avec ce modèle, nous posons les jalons d’une finance plus consciente, capable de résister aux crises tout en contribuant positivement à l’évolution de notre société.

En s’appuyant sur étude minutieuse des faiblesses des théories traditionnelles, B.A.S.E se positionne comme un modèle de gestion résolument moderne, capable non seulement de survivre aux crises, mais aussi d’anticiper les risques et de saisir les opportunités, réinventant ainsi la gestion de portefeuille pour l’avenir.

Le modèle B.A.S.E est comme un enfant prodige, né de quatre piliers de la finance internationale (comportemental, algorithmique, systémique et durable).

Chacun contribuant à son évolution pour façonner les marchés avec sagesse et résilience.

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