AfricaGate : Le futur du monde passe par l’Afrique
AfricaGate :
Le futur du monde passe par l’Afrique.
Par
Jamel
BENJEMIA
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L’analyse de « The Economist », parue le 11 janvier 2025, bien que riche en arguments en faveur d’une « révolution capitaliste » en Afrique, reste prisonnière d’une vision idéologique réductrice. L’Afrique ne peut prospérer en calquant des modèles libéraux standardisés, qui ont creusé les inégalités ailleurs. Au contraire, son avenir repose sur une trajectoire propre : combattre la pauvreté, éradiquer l’analphabétisme et favoriser l’inclusion sociale, tout en misant sur l’éducation, la formation et l’innovation comme leviers d’un développement durable.
Loin des illusions du capitalisme mondial, il est impératif de ne pas bâtir des « cathédrales dans le désert » – ces infrastructures déconnectées des besoins réels des populations – mais de soutenir une nouvelle génération d’entrepreneurs audacieux et visionnaires. En s’appuyant sur un héritage social basé sur la solidarité et les liens communautaires, le continent peut inventer un modèle unique, authentique et inclusif.
Une richesse démographique à valoriser
Avec la population la plus jeune du globe, l’Afrique abritera, d’ici 2030, plus de la moitié des entrants sur le marché du travail mondial. Ce vivier humain exceptionnel pourrait devenir un levier formidable, à condition d’offrir à cette jeunesse les clés de son émancipation : une éducation solide, des soins accessibles et des formations adaptées aux défis d’un monde en constante mutation.
Aujourd’hui, 60 % des jeunes Africains ne terminent pas leurs études secondaires, et plus de 100 millions d’enfants sont exclus de l’école. Ce gâchis humain et économique est insoutenable. L’histoire montre que la main-d’œuvre qualifiée est la clé de toute révolution industrielle et technologique. Sans un système éducatif robuste et universel, l’Afrique ne pourra pas prétendre à un rôle central dans l’économie mondiale.
Eradiquer la pauvreté pour libérer les énergies
Un Africain sur trois survit avec moins de 2 dollars par jour. Cette réalité dramatique n’est pas seulement une tragédie humaine ; elle constitue un frein majeur au développement. Lutter contre la pauvreté n’est pas une option, c’est une nécessité stratégique.
Les gouvernements africains doivent oser des politiques de redistribution ambitieuses : protection sociale renforcée, logements accessibles et l’accès universel à des services essentiels comme l’éducation, l’eau potable, l’électricité et les soins de santé. Des initiatives audacieuses, comme un revenu minimum garanti pour les plus vulnérables, pourraient transformer la donne et réduire les inégalités structurelles.
Des ressources africaines au service du continent
Malgré ses richesses naturelles - minerais rares, pétrole, gaz, terres arables, énergie solaire -, l’Afrique reste paradoxalement à la marge des bénéfices qu’elles génèrent. Les revenus issus de l’exploitation des ressources sont souvent dilapidés ou captés par des élites corrompues.
Pour renverser cette tendance, l’Afrique doit réinventer la gestion de ses ressources. La création de fonds souverains, à l’image de ceux du Botswana ou de la Norvège, peut permettre d’investir dans des priorités stratégiques comme l’éducation et les énergies renouvelables.
La valeur du fonds souverain norvégien a doublé en cinq ans, passant de 10 000 milliards de couronnes norvégiennes en 2019 à 20 000 milliards de couronnes à la fin de décembre 2024.
Le « Pula Fund », le fonds souverain du Botswana, est aujourd’hui évalué à 4 milliards de dollars. Alimenté en partie par les revenus tirés de l’exportation des diamants, cet héritage a financé la gratuité de l’éducation publique tout en générant des rendements financiers grâce à des investissements stratégiques.
Parallèlement, il est essentiel de diversifier les économies africaines en développant des industries locales. Exporter des produits transformés, et non des matières brutes, permettrait de créer des emplois et d’augmenter la valeur ajoutée sur place.
Former une jeunesse prête à bâtir
Au-delà de l’éducation traditionnelle, la formation professionnelle joue un rôle clé dans la transformation sociale et économique. Les secteurs porteurs comme l’agriculture, les énergies renouvelables, les technologies numériques ou la logistique exigent une main-d’œuvre qualifiée. Pourtant, de nombreux jeunes Africains n’ont pas accès à des programmes de formation adaptés à ces opportunités.
Les gouvernements doivent donc établir des partenariats avec le secteur privé et les institutions internationales pour développer des centres de formation technique et professionnelle. Ces programmes doivent être conçus en adéquation avec les besoins réels du marché et intégrer des filières innovantes, comme la maintenance des équipements solaires, la programmation informatique et les applications de l’intelligence artificielle.
En Afrique, l’agriculture emploie encore près de 60 % de la population, mais reste largement sous-productive. En formant les agriculteurs aux techniques modernes et en investissant dans l’irrigation et la mécanisation, le secteur pourrait devenir un moteur de croissance et garantir la sécurité alimentaire du continent.
Des infrastructures pour relier et libérer
Le manque d’infrastructures reste l’un des principaux obstacles au développement africain. Comment espérer développer une industrie compétitive ou attirer des investisseurs étrangers si les routes sont impraticables, si l’eau, ressource vitale, est distribuée au compte-goutte, si l’électricité est intermittente et si les télécommunications sont limitées ?
Il est impératif que les gouvernements africains placent le développement des infrastructures au cœur de leurs priorités. Cela implique d’investir massivement dans les réseaux de transport, les ports, les systèmes électriques, les réseaux numériques, les usines de valorisation énergétique des déchets, les réseaux de dessalement d’eau de mer et de recyclage des eaux usées. Ces projets doivent être pensés à l’échelle nationale et continentale. La mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) nécessitera des corridors de transport transfrontaliers et des réseaux énergétiques interconnectés.
Et pour positionner l’Afrique, comme un acteur clé de la révolution technologique, les pays africains doivent collaborer sur un projet continental ambitieux : L’AfricaGate, une initiative ambitieuse et stratégique en intelligence artificielle, conçue comme la réponse africaine au projet Stargate annoncé par le Président Trump.
L’Afrique regorge d’atouts décisifs. La startup tunisienne InstaDeep, en pleine crise du Covid, a prouvé son excellence en identifiant les virus les plus virulents grâce à l’intelligence artificielle. Avec son énergie solaire abondante, idéale pour alimenter des Data Centers, le continent est parfaitement positionné pour jouer un rôle central dans l’intelligence mondiale.
Changer les mentalités pour réussir
Une révolution sociale nécessite également un profond changement de mentalité. Deux obstacles freinent parfois l’élan collectif en Afrique : la procrastination, qui reporte indéfiniment les actions nécessaires, et une certaine nonchalance teintée de fatalisme, qui banalise l’urgence des défis à relever. Ces attitudes, bien que compréhensibles dans un contexte marqué par des années de désillusion et de crises, doivent être dépassées pour libérer pleinement le potentiel du continent.
Les Africains doivent être encouragés à adopter une culture de l’anticipation et de l’excellence, où chaque effort individuel contribue à un objectif collectif plus grand. Cela passe par la promotion d’un esprit entrepreneurial audacieux et d’une discipline rigoureuse, inspirée par des modèles de réussite locaux et globaux. Des campagnes de sensibilisation, des programmes éducatifs novateurs et l’exemplarité des leaders peuvent contribuer à insuffler cet état d’esprit.
En parallèle, les gouvernements et institutions doivent eux aussi incarner ce changement. Une administration réactive, transparente et moins bureaucratique, associée à des objectifs clairs et mesurables, peut démontrer qu’il est possible de rompre avec l’immobilisme et de créer un élan de transformation durable.
Pour réussir, l’Afrique doit se convaincre que chaque jour perdu à l’inaction est une opportunité gâchée. Adopter une mentalité tournée vers l’action, la persévérance et la responsabilisation collective est la clé pour transformer les défis actuels en moteurs d’un avenir prospère.
Une Afrique conquérante
L’Afrique ne trouvera sa pleine mesure qu’en puisant dans ses propres forces, en valorisant ses ressources et en répondant à ses besoins spécifiques. Longtemps assujetti à des modèles importés, souvent mal adaptés, le continent a souffert d’une dépendance qui l’a privé de sa souveraineté économique et sociale. Pourtant, l’histoire nous enseigne que les nations qui prospèrent sont celles qui forgent leur avenir de l’intérieur, en s’appuyant sur la richesse de leur capital humain et matériel.
Il ne s’agit pas de rompre avec le reste du monde, mais de rejeter le rôle de laboratoire pour des solutions standardisées, inadaptées à ses réalités. L’Afrique est à l’aube d’un choix décisif. Si elle parvient à mobiliser sa jeunesse, ses ressources naturelles et son ingéniosité, elle pourra non seulement dépasser les carcans imposés, mais aussi devenir une source d’inspiration pour l’humanité.
La croissance endogène n’est pas un simple objectif : elle est une renaissance, le fruit d’une autonomie réaffirmée et d’un effort collectif ancré dans les valeurs profondes du continent.
Le projet AfricaGate incarne cette aspiration. L’Afrique ne doit plus suivre le train de l’histoire : elle doit en prendre les commandes, forte de sa singularité et de sa vision.
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