La prochaine guerre sera « dronesque ».
La prochaine guerre sera « dronesque ».
Par
Jamel
BENJEMIA
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Le fracas des blindés s’éloigne, le pas cadencé des bataillons s’efface, le rugissement des chasseurs supersoniques s’étiole. Le champ de bataille mue, se dématérialise, s’élève dans un ciel saturé d’ombres mouvantes. La guerre se réinvente. Elle n’est plus une symphonie d’acier et de chair, mais un ballet d’entités furtives, autonomes, insaisissables. La prochaine guerre évoquera un champ des opérations digne de « Star Wars ».
Elle surgira en essaims, en vagues silencieuses, en éclats d’intelligence algorithmique. Plus de front défini, plus de lignes de démarcation claires : l’ennemi ne sera plus un soldat en uniforme, mais une myriade de machines rapides, adaptatives, impitoyables. Le champ de bataille ne sera plus un espace physique, mais un réseau invisible de connexions, de décisions instantanées, d’attaques anticipées. L’affrontement ne se jouera plus à la force brute mais à la vitesse du calcul, à l’agilité du logiciel, à la ruse des algorithmes.
La supériorité militaire ne reposera plus sur la puissance des chars ou la sophistication des missiles, mais sur la maîtrise des essaims de drones, la programmation des intelligences artificielles et la capacité à dicter le tempo des batailles à venir.
Le drone : nouvelle unité de puissance militaire
Les guerres en Ukraine et à Gaza l’ont démontré : l’avantage technologique se mesure désormais en rapidité d’adaptation, en coût de production et en intelligence distribuée. Pendant que les bureaucraties occidentales peinent à approuver des budgets et des projets d’armement étalés sur des décennies, des pays comme la Turquie, l’Iran, la Russie et la Chine testent, adaptent et produisent des vagues de drones low-cost en quelques semaines.
Le Pentagone en est conscient : à quoi bon des chasseurs furtifs à 100 millions de dollars si des essaims de drones kamikazes à 5 000 dollars peuvent les submerger ?
L’armée américaine commence à peine à internaliser ce bouleversement, mais son modèle reste fortement dépendant de quelques géants de la défense, rendant son adaptation plus lente face à l’agilité des start-ups.
L’industrie militaire face à une révolution technologique
L’ironie est que les plus grands bouleversements de la guerre futuriste ne viennent pas des arsenaux militaires traditionnels, mais des start-ups. Anduril, Palantir, Helsing… ces entreprises n’ont pas attendu les appels d’offres du Pentagone pour développer des IA militaires capables d’analyser un champ de bataille en temps réel, d’optimiser des frappes ou de coordonner des attaques automatisées.
Elon Musk, toujours en quête de disruption, pourrait jouer un rôle central dans cette transformation. Avec SpaceX, il a déjà montré comment briser le monopole des géants de l’aérospatial. Pourrait-il faire de même avec l’armement ? Son influence est devenue si forte qu’une rumeur grandissante évoque une ingérence directe du Département de l’Efficacité Gouvernementale (Department of Government Efficiency (DOGE)), une initiative qui pourrait remodeler la relation entre l’armée américaine et ses fournisseurs.
Mais que se passe-t-il si cette révolution échappe aux mains des États pour tomber sous l’emprise d’intérêts privés ? Si, au lieu d’une avancée maîtrisée, elle se transforme en un affrontement sans merci entre les artisans du futur et les gardiens du passé ? Dans cette lutte, les colosses d’hier, alourdis par leur propre inertie, risquent de voir leurs fondations s’effriter, tandis que de nouveaux titans surgissent des brumes du progrès. Et ceux qui régnaient en maîtres deviendront les nains d’un monde qu’ils n’auront pas su dompter.
Vers un champ de bataille sans humains ?
Ce que la guerre par les drones inaugure, c’est un nouveau type de conflit, où les humains deviennent des opérateurs à distance, voire des spectateurs. Une guerre d’algorithmes, où l’intelligence artificielle apprend, s’adapte et attaque plus vite que tout stratège militaire ne pourrait le faire.
Dans cette guerre, ce n’est plus la nation la plus puissante qui l’emporte, mais celle qui maîtrise le mieux la production de masse et l’optimisation logicielle. Le futur ne s’attarde pas. Il file, insaisissable, porté par ceux qui osent embrasser l’audace technologique. Et déjà, à l’horizon, d’autres puissances surgissent, promptes à saisir ce que les empires vieillissants laissent échapper entre leurs doigts tremblants. Les guerres récentes prouvent qu’une armée agile et technophile peut défier une superpuissance en adoptant rapidement l’innovation.
Les armées qui ne saisiront pas cette mutation risquent de voir leur arsenal devenir obsolète face aux nouvelles formes de combat, où la distinction entre technologie et nature s’efface. Cette hybridation entre technologie et nature n’est plus une simple spéculation : elle façonne déjà la prochaine génération de machines de guerre. Ceux qui ne l’ont pas encore compris sont déjà en retard sur la prochaine guerre.
Le drone de demain : furtif, intelligent, régénératif
Si l’évolution actuelle se poursuit sans entraves, voici à quoi pourrait ressembler le drone de demain. Il ne sera plus une machine, mais une ombre insaisissable, une présence fluide entre le vivant et l’inerte. Revêtu d’un polymère biomimétique, il épousera la silhouette des oiseaux, vibrant au rythme des courants d’air, disparaissant dans le ballet des nuées. Son corps, fait d’une matière caméléon, captera les reflets du ciel, s’adaptant aux lueurs changeantes du jour et aux ténèbres lunaires. L’ennemi ne verra qu’un vol anodin, ignorant que derrière cette apparente innocence sommeille une intelligence distribuée, un réseau conscient de chaque battement d’ailes artificielles.
À la lumière du jour, il renaît. Son enveloppe capte l’énergie solaire avec une voracité organique, des cellules photovoltaïques tissées dans sa structure absorbant chaque photon, convertissant l’invisible en puissance renouvelée. Il ne se pose jamais, ne connaît ni la fatigue ni l’obsolescence. Lorsqu’il est blessé, son revêtement polymérique s’autorépare, ses fibres nanométriques se régénèrent comme une chair synthétique, refermant les plaies infligées par le feu ou l’acier.
Mais son véritable pouvoir réside dans son chant silencieux, un langage d’ondes indomptables. Il ne parle pas, il résonne. Il capte, redirige, infiltre. Face aux murs de brouillage et aux silences forcés, il danse sur le spectre radioélectrique, saute de fréquence en fréquence, trouve dans les échos du monde une porte dérobée vers la communication. Il s’adapte, évolue et défie les structures mêmes de la guerre électronique, mettant en échec ces dômes d’acier. Chaque drone est un nœud, un battement, un fragment d’une conscience dispersée mais unie, un essaim d’intelligences furtives où la technologie s’efface dans le vivant.
Si les machines rigides dominent encore le présent, l’avenir appartient de plus en plus aux spectres ailés, furtifs et autonomes.
Une guerre inspirée par l’histoire et la mythologie
Dans un conflit asymétrique ou face à des cibles conventionnelles, un essaim de drones pourrait surpasser une armée humaine en vitesse, coordination et précision. Cependant, dans des combats prolongés et face à des adversaires technologiquement avancés, la guerre purement par les drones reste vulnérable aux contre-mesures électroniques et aux stratégies imprévues. L’avenir des conflits réside sans doute dans une hybridation homme-machine, où soldats et drones agiraient en complémentarité.
Le ciel n’a jamais été neutre. Depuis les temps immémoriaux, il a été le théâtre d’interventions invisibles, de forces transcendantes que l’homme ne fait qu’imiter. Dans la sourate « Al-Fîl » (L'éléphant), le Coran raconte comment une armée d’oiseaux, « les Abâbîl », a défendu la Mecque en précipitant sur l’ennemi des projectiles destructeurs. Il n’est pas étonnant que l’un des drones iraniens porte ce nom, écho d’une mémoire millénaire où l’invisible frappe avec précision. Les Palestiniens, eux, ont choisi un autre symbole : le nom de Zouari, le concepteur tunisien assassiné par le Mossad. Ainsi, l’histoire et la mythologie se rejoignent dans l’ombre des drones, et le ciel, autrefois domaine des dieux et des oiseaux, devient le théâtre d’une nouvelle ère de guerre, où les machines volantes écrivent leur propre légende.
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