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La fin des partis classiques, vers un parti confédéral.

13 Octobre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

 

La fin des partis classiques, vers un parti confédéral.

  Par

Jamel

BENJEMIA                               

 

                                                

Pendant des décennies, les partis politiques classiques ont façonné l’architecture de la démocratie, articulant la vie publique autour d’idéologies rigides et d’institutions solidement établies. Ce modèle, qui a structuré les débats politiques et les élections, s’est aujourd’hui essoufflé. Dans un monde en perpétuelle transformation, face à des enjeux sociaux, économiques et environnementaux complexes, ces partis peinent à apporter des réponses satisfaisantes. Ils sont souvent déconnectés des attentes des citoyens, enfermés dans leurs querelles idéologiques et internes.

 

En parallèle, des mouvements citoyens et des initiatives populaires ont vu le jour, cherchant à combler le vide laissé par ces structures vieillissantes. Cependant, ces mouvements, bien que dynamiques et engagés, manquent parfois de l’organisation et de la cohérence nécessaires pour obtenir des résultats durables. C’est dans ce contexte que naît l’idée d’un parti confédéral, un parti capable de réunir la société civile tout en respectant la diversité des opinions et des actions. Ce modèle permettrait de bâtir une structure plus souple, pragmatique et adaptable aux défis contemporains.

 

Cet article explore comment la transition vers un parti confédéral pourrait être une réponse aux limites des partis traditionnels et offre un espoir nouveau pour les jeunes générations, désireuses de voir un véritable changement.

 

L’épuisement des partis traditionnels

 

Les partis politiques, tels que nous les connaissons, ont émergé au XIXe siècle pour structurer la vie démocratique. Leur rôle était de représenter les intérêts des citoyens à travers des idéologies distinctes, offrant ainsi une voix aux différentes strates de la société. Toutefois, au fil du temps, ces structures se sont figées, devenant plus centrées sur elles-mêmes que sur les préoccupations des électeurs.

 

L’un des signes les plus frappants de cet épuisement est la montée de l’abstention. De plus en plus de citoyens, en particulier parmi les jeunes, choisissent de ne plus participer aux processus électoraux, estimant que les partis ne les représentent plus. Ce phénomène reflète une profonde crise de légitimité. Les débats idéologiques, autrefois sources d’inspiration et de mobilisation, semblent désormais vides de sens pour beaucoup, car ils ne répondent pas aux défis concrets de la vie quotidienne : crise climatique, inégalités sociales, précarité économique, etc.

 

Par ailleurs, les anciens clivages gauche-droite, qui structuraient autrefois la politique, apparaissent aujourd’hui obsolètes. Les partis traditionnels peinent à s’adapter à une réalité où les priorités des citoyens sont plus transversales et complexes. Leurs réponses sont souvent inadaptées ou insuffisantes, et les électeurs se détournent vers d’autres formes d’engagement.

 

 L’essor des mouvements citoyens

 

En réponse à cette crise des partis traditionnels, les mouvements citoyens ont gagné en importance. Ces mouvements, souvent nés sur le terrain, loin des institutions politiques, sont portés par des causes spécifiques : la justice sociale, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense des droits des minorités, etc. Ils se distinguent par leur flexibilité, leur horizontalité et leur capacité à mobiliser rapidement autour d’actions concrètes.

 

Les mouvements pour le climat, les marches féministes, les mobilisations contre les inégalités économiques sont autant d’exemples de la vitalité de ces initiatives. Ce qui attire particulièrement les jeunes dans ces mouvements, c’est leur capacité à donner un sens immédiat à l’engagement. Loin des discours théoriques ou des promesses électorales, ces initiatives offrent des actions concrètes, proches des réalités quotidiennes.

 

Cependant, bien que ces mouvements aient réussi à sensibiliser et à attirer l’attention sur des enjeux cruciaux, ils manquent souvent de structure et de continuité. Leur décentralisation, bien qu’elle soit une force, peut également être une faiblesse, rendant difficile la coordination et la mise en place de changements à long terme. Il est donc nécessaire de trouver un moyen d’organiser ces forces disparates de manière plus cohérente, tout en conservant leur dynamisme et leur diversité.

 

 La nécessité d’un parti confédéral

 

Pour que les forces émergentes de la société civile puissent devenir une véritable alternative politique, elles doivent se structurer d’une manière nouvelle. C’est ici qu’intervient l’idée d’un parti confédéral, une structure qui pourrait réunir les différents mouvements, initiatives et associations sous une même bannière, tout en respectant leur autonomie et leur diversité.

 

Un parti confédéral se distingue par son approche souple et décentralisée. Contrairement aux partis traditionnels, qui imposent souvent une ligne idéologique stricte, un parti confédéral permettrait à ses composantes de conserver leur indépendance tout en coopérant sur des objectifs communs. Ce modèle offre une plateforme où la diversité des opinions et des approches est perçue comme une richesse et non comme un obstacle.

 

La nécessité d’un tel parti réside dans le besoin de donner un cadre durable et organisé aux initiatives citoyennes. Il ne s’agit pas simplement de remplacer les partis traditionnels par un autre type de structure hiérarchique, mais plutôt de créer un espace où les mouvements peuvent dialoguer, coopérer et mettre en œuvre des solutions concrètes. Le parti confédéral ne serait pas une organisation figée, mais un réseau dynamique, capable de s’adapter aux réalités locales et aux besoins spécifiques de chaque région ou groupe.

 

Ce parti confédéral permettrait ainsi de répondre aux grands défis de notre époque tout en restant ancré dans la réalité des citoyens. Il pourrait, par exemple, regrouper des initiatives sur la transition écologique, les droits sociaux, ou encore la gouvernance participative, tout en permettant à chaque groupe de poursuivre ses propres actions sur le terrain.

 

La clé du succès d’un parti confédéral

 

Le succès d’un parti confédéral repose avant tout sur sa capacité à rester pragmatique et centré sur des résultats concrets. L’un des principaux défauts des partis traditionnels est leur tendance à s’enfermer dans des débats théoriques et idéologiques, loin des préoccupations immédiates des citoyens. Un parti confédéral, en revanche, mettrait l’accent sur des solutions pratiques, des politiques publiques mesurables et des avancées tangibles.

 

Le pragmatisme n’est pas synonyme de compromis sur les valeurs fondamentales, mais plutôt de l’adaptation de ces valeurs aux réalités contemporaines. Un parti confédéral aurait pour mission de proposer des actions efficaces et applicables, qui apportent un changement réel dans la vie quotidienne des citoyens. Cela pourrait passer, par exemple, par des initiatives concrètes pour la transition écologique, comme la réorientation des subventions agricoles vers des pratiques durables, ou encore la promotion d’une économie circulaire et solidaire.

 

Une autre clé du succès réside dans la flexibilité. Contrairement aux partis classiques, souvent rigides, un parti confédéral serait capable de s’adapter rapidement aux nouveaux défis, tout en laissant une grande autonomie à ses composantes. Cette flexibilité permettrait de répondre à des crises imprévues, tout en conservant une vision cohérente à long terme.

 

Enfin, l’ouverture au dialogue et la capacité à rassembler des forces disparates seraient essentielles. Le parti confédéral ne chercherait pas à homogénéiser les idées, mais à créer un espace où différentes perspectives peuvent coexister et s’enrichir mutuellement. C’est en rassemblant ces énergies, en combinant diversité et cohérence, que ce modèle pourrait devenir une véritable alternative aux partis traditionnels.

 

 Un espoir pour la jeunesse

 

L’épuisement des partis classiques et l’essor des mouvements citoyens nous rappellent que les formes traditionnelles de la politique ne suffisent plus. La nécessité d’un parti confédéral, capable de fédérer la diversité des initiatives tout en restant flexible et pragmatique, apparaît comme une solution viable pour répondre aux défis actuels.

 

Pour la jeunesse, qui cherche à s’engager dans des actions concrètes et significatives, ce modèle offre un nouvel espoir. Il propose un avenir où l’engagement citoyen ne se limite pas à une appartenance partisane rigide, mais se traduit par une participation active et diversifiée à la construction d’un monde plus juste et plus équitable.

 

Ainsi, la fin des partis traditionnels ne signifie pas la fin de la politique, mais l’émergence d’une nouvelle ère, où la société civile, organisée en un parti confédéral, peut jouer un rôle central dans la construction du futur. Ce parti incarne la possibilité de réinventer la démocratie, en la rendant plus ouverte, plus inclusive et plus efficace. Pour les jeunes générations, c’est l’occasion de participer à la création d’un monde qui leur ressemble, où la solidarité, la justice sociale et l’innovation sont les moteurs du progrès.

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Réinventer la gestion de portefeuille, au-delà de l’efficience des marchés.                     

1 Septembre 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Réinventer la gestion de portefeuille, au-delà de l’efficience des marchés.                                           

     

Par Jamel

BENJEMIA                               

                                                                                           
                                     

 

Depuis la bulle des tulipes au XVIIe siècle jusqu’à l’effondrement du marché immobilier en 2008, les crises financières ont mis en lumière les failles de la théorie de l’efficience des marchés. Ce concept bien qu’élégant, semble ignorer les réalités chaotiques qui animent l’économie mondiale.

L’hypothèse d’efficience du marché, pierre angulaire de la finance moderne, a longtemps dominé la pensée économique en suggérant que les prix des actifs reflètent toujours l’information disponible, laissant peu de place à l’erreur ou à l’opportunité.

Pourtant, les crises financières, comme la bulle internet des années 2000 ou la crise des subprimes de 2008, ont révélé des fissures profondes dans cette sacro-sainte théorie.

Comment expliquer ces emballements irrationnels, ces chutes brutales, si les marchés sont supposés parfaitement efficients ?

Ces épisodes nous rappellent que l’économie est une science humaine, imprégnée d’incertitudes, de peurs et d’espoirs, que la mathématique ne saurait totalement capter.

À cela s’ajoute l’impact croissant des algorithmes, ces entités invisibles qui décryptent, analysent et réagissent en une fraction de seconde.

Leur émergence a transformé les marchés en un espace où l’efficience est soumise à la vitesse, créant des dynamiques nouvelles et souvent imprévisibles.

 

 

Les limites de l’efficience des marchés

En 2010, le « Flash Crash » a montré comment des algorithmes de trading haute fréquence peuvent provoquer des fluctuations erratiques en quelques minutes. Loin de renforcer l’efficience, ces algorithmes peuvent exacerber les inefficacités en amplifiant des mouvements erratiques, rendant les marchés plus volatils et parfois déconnectés des fondamentaux.

L’hypothèse d’efficience des marchés néglige aussi l’influence du comportement humain, ce facteur irrationnel qui défie toute logique économique rationnelle.

Les biais cognitifs, la panique et l’euphorie façonnent les décisions des investisseurs bien plus que ne le permettrait un modèle rationnel.

Considérez l’exemple de la bulle internet des années 2000 : les investisseurs emportés par l’euphorie de rater une opportunité, ont ignoré les fondamentaux économiques, gonflant ainsi les valorisations jusqu’à l’inévitable éclatement.

Enfin, l’émergence des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement bouleverse encore davantage cette hypothèse, introduisant des valeurs et des choix qui échappent à la simple analyse financière.

Ainsi, l’hypothèse d’efficience des marchés, bien que séduisante dans sa simplicité, se heurte aux complexités du monde réel, où les marchés loin d’être parfaitement efficients, sont un reflet imparfait des forces irrationnelles et des technologies qui les animent.

 

 

Le modèle B.A.S.E

Face à ces bouleversements, une nouvelle approche est nécessaire. Mon modèle B.A.S.E propose une nouvelle manière de gérer les portefeuilles en intégrant quatre dimensions clés qui reflètent la complexité actuelle :

Le comportemental (Behavioral) (B), l’algorithmique (Algorithmic) (A), le systémique (Systemic) (S), et ESG (Environmental, Social, Governance) (E).

Chacune de ces dimensions apporte une perspective unique et indispensable pour la prise de décision en matière d’investissement.

Là où Markowitz et ses successeurs se concentraient sur l’équilibre entre risque et rendement, B.A.S.E ajoute une couche de profondeur en tenant compte des biais cognitifs des investisseurs, du rôle prépondérant des algorithmes dans les fluctuations des marchés, des risques systémiques qui peuvent faire vaciller des économies entières, et des impératifs éthiques et durables que l’on ne peut plus ignorer.

La véritable nouveauté de B.A.S.E réside dans sa capacité à tisser ces éléments en une stratégie cohérente et résiliente.

Ce modèle ne cherche pas seulement à maximiser le rendement ajusté au risque, mais à construire un portefeuille qui reflète la complexité du monde actuel.

 

 

Formulation

Mon modèle B.A.S.E propose une formule de pondération des actifs dans le portefeuille, qui combine les quatre facteurs déjà mentionnés ci-dessus :

Bi : composante comportementale de l’actif i

Ai : composante algorithmique de l’actif i

Si : composante systémique de l’actif i

Ei : composante ESG de l’actif i

α, β,γ,δ : pondérations de composantes, ajustées selon l’importance relative de chaque facteur.

Le dénominateur de la formule Wi joue un rôle crucial dans la normalisation des pondérations individuelles des actifs, de manière à ce que la somme des pondérations Wi pour tous les actifs du portefeuille soit égale à 1, c’est-à-dire 100% du portefeuille. Cela garantit que chaque Wi est une proportion relative de l’ensemble du portefeuille, ajustable en fonction des priorités de l’investisseur (investisseur prudentiel ou aimant le risque).

 

 

Validation empirique et perspectives

Pour évaluer la robustesse du modèle B.A.S.E, une validation empirique est indispensable. Cette validation pourrait prendre la forme de « backtests » réalisés sur des données historiques couvrant plusieurs cycles économiques.

En appliquant B.A.S.E à un portefeuille diversifié, il serait possible de comparer ses performances à celles des modèles traditionnels comme Markowitz ou le Modèle d’Evaluation des Actifs financiers (CAPM).

Les résultats attendus devraient révéler une meilleure résilience aux crises systémiques, une réduction de la volatilité liée aux biais comportementaux, et une performance alignée avec les critères ESG, démontrant ainsi l’efficacité du modèle B.A.S.E dans un environnement complexe.

En termes de perspectives, le modèle B.A.S.E offre un cadre flexible, susceptible d’évoluer avec les marchés.

De plus, l’extension de ce modèle à d’autres classes d’actifs, comme les crypto-monnaies ou les investissements alternatifs, pourrait ouvrir de nouvelles voies pour une gestion de portefeuille encore plus diversifiée et résiliente.

Enfin, le modèle pourrait être un outil précieux pour les régulateurs, en leur fournissant un cadre pour évaluer la stabilité systémique et promouvoir les investissements durables dans un monde financier en mutation constante. 

La mise œuvre du modèle B.A.S.E peut être optimisée grâce à l’intelligence artificielle (IA), qui permet de traiter et d’analyser d’immenses volume de données en temps réel. L’IA facilite l’ajustement dynamique des pondérations des composantes en fonction des évolutions du marché. Pour l’ESG, l’accent sur le bilan carbone offre une mesure claire et standardisée de l’impact environnemental, rendant l’intégration plus précise.

Enfin, en privilégiant les stratégies prudentielles dans la composante comportementale, le modèle renforce sa résilience face aux biais cognitifs, en alignant les décisions d’investissement avec une gestion des risques plus rigoureuse.

 

 

Réinventer la gestion de portefeuille

Imaginons un instant le modèle B.A.S.E à l’œuvre lors du Krach de 1929 : au lieu d’être surpris par la défaillance systémique, ce modèle aurait pu, grâce à ses curseurs de retournement et à ses composantes comportementales et systémiques, réduire les expositions aux actifs les plus vulnérables.

De même, durant l’éclatement de bulle technologique en 2000, B.A.S.E aurait pu avertir des surévaluations excessives, incitant à un rééquilibrage opportun des portefeuilles. Quant à la crise des subprimes de 2008, le modèle aurait, par sa prise en compte des signaux systémiques et des critères ESG, écarté les actifs toxiques liés à l’immobilier, minimisant ainsi les pertes.

Le modèle B.A.S.E n’est pas seulement un outil de gestion de crise. Il est le fruit d’une analyse minutieuse des échecs passés, intégrant les leçons du passé pour éclairer le présent.

Sa capacité à combiner des éléments aussi variés que le comportement des marchés, les signaux algorithmiques, les risques systémiques et les critères ESG, en fait un allié incontournable dans un environnement financier toujours plus complexe et incertain.

Adopter le modèle B.A.S.E, c’est accepter une nouvelle responsabilité dans la gestion de portefeuille. Ce n’est plus seulement chercher à battre le marché, mais comprendre que chaque décision d’investissement entraîne des répercussions qui dépassent les rendements financiers.

En réinventant la gestion de portefeuille avec ce modèle, nous posons les jalons d’une finance plus consciente, capable de résister aux crises tout en contribuant positivement à l’évolution de notre société.

En s’appuyant sur étude minutieuse des faiblesses des théories traditionnelles, B.A.S.E se positionne comme un modèle de gestion résolument moderne, capable non seulement de survivre aux crises, mais aussi d’anticiper les risques et de saisir les opportunités, réinventant ainsi la gestion de portefeuille pour l’avenir.

Le modèle B.A.S.E est comme un enfant prodige, né de quatre piliers de la finance internationale (comportemental, algorithmique, systémique et durable).

Chacun contribuant à son évolution pour façonner les marchés avec sagesse et résilience.

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Vers un PIB intégrant l’immatériel

25 Août 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Vers un PIB intégrant l’immatériel.    

     

  Par

Jamel

BENJEMIA                               

                                                                                           
                                        

 

Le Produit Intérieur Brut, longtemps perçu comme l’incarnation même de la croissance économique, apparaît aujourd’hui comme « un colosse aux pieds d’argile » dans le paysage des économies modernes.

Conçu dans les années 1930 par l’économiste Simon Kuznets, cet instrument était parfaitement adapté pour mesurer la production des biens tangibles, reflétant la vigueur des nations dans un monde industriel en pleine expansion.

Cependant, dans les sociétés contemporaines où l’intangible règne en maître absolu, le PIB révèle de plus en plus ses failles.

Prenons l’exemple de FaceBook : sa valeur intrinsèque réside dans les données qu’elle génère, les connexions qu’elle tisse et les services qu’elle offre gratuitement à des milliards d’utilisateurs. Pourtant, aucune de ces créations de valeur ne trouve une place légitime dans le calcul du PIB.

Le prix Nobel Robert Solow avait déjà prophétisé ce paradoxe en 1987 : « On voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité ».

Alors que l’économie numérique redéfinit les contours de la croissance, le PIB persiste à ignorer cette richesse immatérielle, entraînant un décalage croissant entre les indicateurs traditionnels et la réalité contemporaine.

Les critiques académiques ne manquent pas. En 2009, à la demande du Président Sarkozy, Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi publient un rapport pour la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social (CMPEPS).

Ils y dénoncent l’inadéquation du PIB pour appréhender la complexité des économies modernes. Ils soulignent notamment que le PIB, en se concentrant exclusivement sur la production marchande, néglige des dimensions essentielles telles que le bien-être, l’environnement, et surtout la création de valeur dans l’économie numérique. De fait, nombre de services immatériels échappent partiellement à cet indicateur désormais obsolète.

Le rapport, toutefois, s’est davantage attaché à explorer les dimensions multidimensionnelles du bien être qu’à élaborer des indicateurs correctifs pour un PIB prenant en compte la richesse immatérielle, respectant la lettre de mission initiale qui stipule : « déterminer les limites du Produit Intérieur Brut (PIB) en tant qu’indicateur de performance économique et de progrès social ».

Ainsi, à l’ère de l’économie numérique et des services, il devient urgent de réformer un PIB devenu anachronique, pour adopter un indicateur capable de prétendre au rôle de baromètre de la prospérité économique

 

 PIB classique et PIB immatériel

Le Produit Intérieur Brut (PIB) classique a longtemps été érigé en pilier de l’évaluation de la richesse économique d’un pays. Ce modèle se concentre essentiellement sur la production de biens et de services tangibles, en mesurant la valeur ajoutée dans les secteurs traditionnels comme l’industrie, l’agriculture, et les services marchands. Cependant, à l’ère des économies numériques, cette approche montre ses limites et révèle des lacunes croissantes, notamment en négligeant les contributions immatérielles devenues cruciales.

L’essor des technologies numériques et l’omniprésence des services gratuits offerts par des plateformes comme Google et FaceBook illustrent de manière éloquente ces insuffisances.

Le PIB classique peine en effet à saisir la véritable valeur des innovations technologiques et des services numériques non monétisés, qui transforment en profondeur nos sociétés. Comme l’observe l’économiste Diane Coyle, « les moteurs de recherche gratuits, par exemple, échappent aux calculs traditionnels du PIB, créant un fossé significatif entre l’économie réelle, de plus en plus numérique et dématérialisée, et les méthodes de mesure classiques ».

Par ailleurs, l’importance croissante des actifs immatériels, tels que la propriété intellectuelle, les brevets et les marques, met en lumière les insuffisances du PIB traditionnel.

Bien que non matériels, ces actifs constituent des sources majeurs de création de valeurs dans les économies contemporaines. En ignorant ces contributions immatérielles, le PIB classique offre une image biaisée de la réalité économique, sous-estimant les secteurs les plus dynamiques et innovants.

Dès lors, continuer à se fier uniquement au PIB classique pour évaluer la richesse nationale n’est plus seulement une approche dépassée, mais devient également inadaptée dans un contexte où l’immatériel joue un rôle central dans la croissance économique.

Il est impératif de repenser nos indicateurs pour mieux refléter la complexité et la richesse de nos économies modernes.

Vers une révision du PIB

Je propose une approche inédite pour calculer le Produit Intérieur Brut (PIB) immatériel :

PIB immatériel = I+D+S

Cette formule se donne pour mission de capturer l’essence même des nouvelles sources de création de valeur dans notre économie moderne.

Ici, I représente la part de l’innovation mesurée par les investissements en recherche et développement, D désigne la valeur des données échangées et leur impact économique, et S se réfère aux services gratuits et leur valeur perçue.

Chaque composante est non seulement évaluée en termes financiers, mais aussi selon son impact réel sur le bien-être collectif, offrant ainsi une mesure plus humaine et plus juste de notre prospérité.

Ce nouvel indicateur transcende la simple mesure de ce que nous possédons pour englober ce que nous sommes en tant que société créative, connectée et tournée vers l’avenir.

L’introduction du PIB immatériel appelle ainsi à une révision de la formule du PIB total.

Cependant, lorsqu’on tente d’intégrer ces éléments immatériels dans la mesure traditionnelle du PIB, des risques de redondance ou de double comptage peuvent surgir.

Par exemple, les revenus publicitaires générés par une plateforme numérique peuvent déjà être inclus dans le PIB classique en tant que services commerciaux, tandis que la même plateforme pourrait également être comptabilisée dans le PIB immatériel pour sa capacité à collecter et traiter des données.

Si ces chevauchements ne sont pas correctement pris en compte, la mesure globale du PIB pourrait être faussée.

Pour pallier ce problème, il est crucial de soustraire ces redondances lors du calcul du PIB immatériel.

Ainsi, la formule du PIB total se définit de la manière suivante :

PIB total = PIB classique + PIB immatériel – Redondance

Pour simplifier, le PIB immatériel Net peut être défini comme étant le PIB immatériel après soustraction des redondances, ce qui donne la formule finale :

PIB total = PIB classique + PIB immatériel Net.

Cette approche permet d’obtenir une mesure plus précise et complète de la richesse économique, en veillant à ce que chaque contribution soit comptabilisée une seule fois, et reflétant ainsi fidèlement la véritable croissance économique.

À l'ère de l'intelligence artificielle et des modèles économétriques sophistiqués, cette proposition ouvre la voie à une compréhension plus fine des dynamiques économiques contemporaines, en réconciliant le tangible et l’immatériel dans un cadre unifié.

 

Cependant, l’hypothèse classique du « Ceteris Paribus », ce concept qui postule que « toutes choses égales par ailleurs », se heurte souvent à la réalité économique complexe où, en vérité, rien n’est jamais vraiment égal par ailleurs.

Bien que cette simplification soit utile pour modéliser certaines situations économiques, elle masque la dynamique réelle des marchés et des interactions humaines.

La création de nouvelles formules, comme celle proposée pour intégrer le PIB immatériel, nécessite donc un travail méticuleux d’adaptation et de raffinement pour refléter fidèlement les réalités du XXIe siècle.

Un exercice de révision et de dépoussiérage des raisonnements économiques traditionnels s’impose également.

Ces raisonnements, souvent hérités d’une époque où les structures économiques étaient plus simples et moins interconnectées, ne suffisent plus à comprendre et mesurer les phénomènes modernes.

Par exemple, l’ancienne hypothèse selon laquelle un agent économique qui épouse sa femme de ménage augmenterait son revenu disponible peut sembler aujourd’hui décalée.

Certes, ce revenu pourrait augmenter temporairement, mais cette vision simpliste néglige les complexités et les imprévus de telles décisions, tant sur le plan personnel qu’économique.

En somme, la création d’un PIB total intégrant les aspects immatériels doit dépasser les modèles traditionnels pour s’ancrer dans une compréhension plus holistique de la croissance économique.

C’est là un défi passionnant pour les économistes d’aujourd’hui : repenser les outils et les méthodes de mesure afin de capturer la véritable richesse des nations à l’ère de l’innovation et de l’économie numérique.

 

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Nouvelle prospérité, le nouveau paradigme en marche

11 Août 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Nouvelle prospérité, le nouveau paradigme en marche

  Par

Jamel

BENJEMIA                               

                                                                                           
                                      

                                

 

 Une transformation profonde est à l’œuvre dans nos économies et nos sociétés, portée par des avancées technologiques époustouflantes. Cette dynamique redéfinit les contours de ce que l’ont pourrait appeler une nouvelle ère de prospérité.

Contrairement aux vagues précédentes, celle-ci se caractérise par une intégration toujours plus poussée de l’innovation, une prise de conscience environnementale grandissante et une mutation radicale des modes de travail.

Toutefois, cette prospérité émergente n’est pas uniforme. On remarque que certaines régions et certains secteurs connaissent un essor fulgurant, tandis que d’autres peinent à s’adapter, accentuant ainsi les disparités entre le Nord et le Sud.

Il est impératif de comprendre ces dynamiques pour saisir pleinement les opportunités qui se présentent et anticiper les défis futurs.

Les moteurs de cette prospérité sont d’une nature inédite : l’Intelligence Artificielle (IA), l’automatisation, les énergies renouvelables et les technologies vertes jouent un rôle prépondérant. L’agriculture, en particulier, doit être au cœur de cette révolution pour assurer l’autosuffisance alimentaire et garantir la souveraineté nationale.

Bien que la mondialisation suscite des critiques, elle demeure un vecteur d’échanges et de collaboration à l’échelle internationale. Pour que cette nouvelle ère de prospérité soit véritablement inclusive, il est nécessaire d’adapter nos politiques économiques et sociales afin de réduire les inégalités tout en stimulant l’innovation.

Cette époque se distingue nettement des précédentes par son insistance sur la durabilité et l’équité.

 

Vers la fin de la controverse

L’ancien Ministre tunisien de l’Économie, Hakim Ben Hammouda, pose une question pertinente : avons-nous besoin d’un nouvel ordre économique ou d’un nouveau modèle de développement ?

La proposition d’un nouveau modèle de développement peut sembler attrayante, mais elle soulève des interrogations légitimes : sur quels fondements serait-il construit ?

Quels en seraient les principes directeurs ? Souvent, les appels à un « nouveau modèle » manquent de pragmatisme et de réalisme, échouant à clarifier comment ce modèle pourrait être mis en œuvre dans la complexité du monde actuel.

Quant à l’idée d’un nouvel ordre économique, l’histoire nous enseigne que les tentatives de renversement ou de transformation radicale des systèmes ont souvent conduit à des périodes d’instabilité profonde. La période Ben Salah en Tunisie est une triste illustration.

Une approche plus pragmatique résiderait dans la réforme et l’adaptation du modèle existant, en mettant l’accent sur la revitalisation du « carré magique » et l’amélioration de la productivité.

La bataille pour améliorer la productivité n’est donc pas seulement un enjeu de croissance, mais un levier essentiel pour atteindre le plein emploi et stabiliser l’économie.

Pour moi, cette nouvelle prospérité doit réconcilier croissance économique et justice sociale, en s’appuyant sur des modèles qui intègrent pleinement les enjeux environnementaux et les avancées technologiques.

Cette vision est partagée par plusieurs économistes de renom.

Joseph Stiglitz, par exemple, plaide pour un capitalisme reformé qui s’appuie sur une croissance inclusive, tout en réduisant les inégalités et en intégrant les externalités environnementales. Thomas Piketty, quant à lui, insiste sur la nécessité de redistribuer les richesses pour éviter que la prospérité soit accaparée par une élite, soulignant l’importance de politiques fiscales plus progressives.

Paul Krugman partage cette perspective en soulignant le rôle crucial des politiques publiques pour soutenir la classe moyenne et atténuer les effets néfastes de la mondialisation. Enfin Mariana Mazzucato met l’accent sur l’innovation dirigée par l’autorité publique, affirmant que les gouvernements doivent jouer un rôle central dans la création de valeur, notamment en investissant dans les technologies vertes et les infrastructures sociales. Ensemble, ces économistes redessinent les contours d’une nouvelle prospérité fondée sur l’équité, la durabilité et l’innovation, offrant un cadre pour construire un avenir plus juste et plus stable.

 

Études de cas  

En Asie, la Corée du Sud se distingue par son adoption rapide des technologies de pointe. Grâce à des investissements massifs dans la recherche et le développement, alliés à une culture profondément enracinée dans l’innovation, le pays s’est hissé au rang de leader mondial dans les secteurs des technologies de l’information, de la biotechnologie et des énergies renouvelables.

Il est frappant de rappeler qu’au début des années 1960, la Corée du Sud avait un PIB nominal par habitant de seulement 260 dollars, comparable à celui du Cameroun à l’époque.

Ce dynamisme technologique a non seulement stimulé l’économie sud-coréenne, mais a aussi significativement amélioré le niveau de vie et contribué à la réduction des inégalités sociales.

En Europe, la Suède se présente comme un modèle exemplaire de prospérité durable.

Malgré un taux de prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) atteignant 44% du PIB, le pays parvient à conjuguer une forte croissance économique avec des politiques environnementales ambitieuses.

L’engagement de la Suède en faveur des énergies renouvelables et de l’économie circulaire a non seulement permis de réduire son empreinte carbone, mais a également créé des milliers d’emplois verts. Par ailleurs, son système de protection sociale avancé assure une répartition équitable des fruits de la croissance, renforçant ainsi la cohésion sociale.

Aux États-Unis, la Silicon Valley reste l’illustration emblématique d’une prospérité née de l’innovation. Le développement fulgurant de l’industrie technologique a engendré une richesse immense, transformant la région en un centre mondial d’innovation, où des géants tels que les GAFAM (Google, Amazon, FaceBook, Apple et Microsoft), dominent aujourd’hui la scène économique mondiale. Cependant, cet exemple met également en lumière les défis liés à cette nouvelle prospérité : les inégalités de revenus s’accentuent, la gentrification s’accélère, et la dépendance à une énergie bon marché devient problématique.

La panne de courant qui a frappé la Silicon Valley en 2017, touchant 90 000 abonnés, souligne l’urgence d’une politique énergétique efficace.

Ces études de cas montrent que si la nouvelle prospérité offre des opportunités considérables, elle impose aussi la nécessité de mettre en œuvre des politiques équilibrées et inclusives.

 

Perspectives

En regardant vers l’avenir, plusieurs tendances suggèrent que la nouvelle prospérité continuera de se développer et de transformer notre monde. Les avancées technologiques restent le moteur principal de cette transformation.

L’essor de l’Intelligence Artificielle (IA), de la Blockchain et des technologies quantiques promet de bouleverser encore davantage nos industries et nos modes de vie.

Ces innovations ont le potentiel d’améliorer l’efficacité, de réduire les coûts et de créer de nouvelles opportunités économiques inédites.

Un des leviers essentiels pour garantir cette prospérité réside dans l’accès à une énergie abordable, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Une politique économique véritablement keynésienne devrait encourager les particuliers à produire leur propre énergie photovoltaïque, favorisant ainsi l’autonomie énergétique, tout en réduisant les dépenses des ménages et en augmentant leur pouvoir d’achat. Pour les entreprises, un accès à une énergie moins couteuse se traduit par des coûts de production réduits, rendant leurs produits plus compétitifs sur le marché mondial.

Les gouvernements et les entreprises joueront un rôle crucial dans l’orientation de cette nouvelle ère de prospérité. Les politiques publiques devront non seulement encourager l’innovation, mais aussi veiller à ce que les fruits de cette prospérité soient équitablement répartis. Cela nécessite des investissements massifs dans l’éducation et la formation continue, afin de préparer les travailleurs aux métiers de demain.

La durabilité environnementale sera un pilier fondamental de cette prospérité. Les initiatives visant à lutter contre le changement climatique, comme la transition vers une économie à faible émission de carbone, deviendront encore plus cruciales. Les innovations dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’économie circulaire joueront un rôle clé pour garantir un avenir durable.

Parallèlement, l’État devra renforcer la production agricole en promouvant une agriculture biologique, qui non seulement soutient l’autosuffisance alimentaire, mais constitue également la clef de voûte de la souveraineté nationale.

Adopter un plan ambitieux de lutte contre le logement insalubre, associé à une politique d’accès universel à la santé, et renforcer la prévention par un accès élargi aux soins, notamment via le dépistage précoce, contribueront à construire une société plus saine et résiliente, où la santé publique deviendra un pilier central du développement durable.

Enfin, pour que la nouvelle prospérité soit véritablement durable, elle doit bénéficier à tous. Des politiques visant à réduire les inégalités, à améliorer l’accès aux services de base et à protéger les droits des travailleurs seront essentielles pour créer une société plus juste.

En somme, la nouvelle prospérité offre des perspectives prometteuses, mais elle exige une gestion éclairée et une vision à long terme pour s’assurer qu’elle profite à l’ensemble de la société de manière équitable et durable.

Cette nouvelle prospérité représente une promesse collective où l’innovation technologique, la durabilité environnementale et l’équité sociale convergent pour créer une richesse partagée, résiliente, et respectueuse des générations futures.

 

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Baudelaire, le chirurgien de l’âme.

4 Août 2024 , Rédigé par Jamel BENJEMIA / Journal LE TEMPS Publié dans #Articles

Baudelaire, le chirurgien de l’âme.

     

  Par

Jamel

BENJEMIA                               

                                                                                           
                                   

                                   

 

 

Charles Baudelaire, sans conteste l’un des poètes majeurs du XIXe siècle, s’est imposé comme un véritable chirurgien des âmes et des émotions.

Né en 1821 à Paris, il a traversé une époque marquée par des bouleversements politiques et sociaux, influençant profondément son œuvre.

Plutôt que de simplement décrire les états d’âme humains, Baudelaire les dissèque avec une précision quasi chirurgicale.

Son recueil le plus célèbre, « Les Fleurs du Mal », explore un large éventail de passions humaines à travers des thèmes récurrents comme la mélancolie, la beauté, la douleur et la dualité entre spleen et idéal. Sa langue riche et raffinée et ses métaphores audacieuses dévoilent des émotions complexes qui continuent de résonner auprès des lecteurs.

 Baudelaire mérite pleinement le titre de chirurgien de l'âme, disséquant les émotions humaines avec une intensité inégalée.

L’enfance et la jeunesse de Charles Baudelaire ont façonné sa sensibilité et son œuvre de manière significative.

Après la perte de son père à six ans et le remariage de sa mère avec le commandant Aupick, il a ressenti une profonde aliénation qui a nourri une rébellion intérieure.

Son éducation marquée par l’étude des classiques et une attirance pour l’exotisme a enrichi son imagination.

De retour en France après des voyages, notamment en Inde, Baudelaire fréquente les cercles bohèmes de Paris, côtoyant des artistes et écrivains partageant ses préoccupations esthétiques et existentielles.

Pour lui, le poète est un explorateur de l'esprit et des émotions, révélant les vérités cachées de la condition humaine.

 

Analyse des passions humaines

 « Les Fleurs du Mal », chef-d’œuvre incontesté de Charles Baudelaire, est une exploration profonde de la dualité entre le spleen et l’idéal, se déclinant à travers six sections distinctes mais intimement liées.

À travers ses vers, Baudelaire illumine les tensions internes qui déchirent l'esprit humain, mêlant avec une habilité rare mélancolie, beauté, corruption et quête inlassable de l'absolu.

Des poèmes emblématiques comme « Spleen » et « Élévation » illustrent cette oscillation constante entre un désespoir pesant et une aspiration sublime et transcendante.

Par le biais de métaphores audacieuses et d’images puissantes, Baudelaire parvient à saisir et à décrire avec une précision remarquable la douleur, le plaisir et l’ennui, dévoilant ainsi un univers où la beauté et la souffrance se trouvent inexorablement liées, formant une trame indissociable de l’existence humaine.

 

L’alchimie poétique

Baudelaire, maître incontesté de l’art poétique, déploie un talent alchimique rare pour transformer les émotions brutes en création d’une beauté sublime. Dans ses œuvres, la métaphore et la symbolique jouent un rôle central, illustrant la condition humaine par des images puissantes telles que le « vampire » ou la « charogne ».  Sa théorie des correspondances, qui relie les sens aux émotions, crée des résonances profondes entre le monde matériel et les dimensions spirituelles.

La musicalité et le rythme de ses vers amplifient leur impact émotionnel, comme le démontre magnifiquement « L’Albatros », où le rythme poétique évoque à la fois l'élévation majestueuse et la chute déchirante, faisant ainsi écho aux dualités de l’existence humaine.

 

Une nouvelle dissection

Avec « Le Spleen de Paris », Baudelaire explore une nouvelle forme littéraire pour disséquer l'âme humaine.

Publiée posthumement en 1869, cette collection de poèmes en prose offre une perspective incisive sur les passions et les tourments humains.

La prose poétique lui permet de capturer des instants fugaces et des réflexions profondes avec une intensité accrue. Des pièces comme « Le Crépuscule du Matin » et « Les Foules », décrivent avec précision la vie urbaine, la solitude et la quête incessante de sens.

Baudelaire explore des thèmes variés avec une fluidité nouvelle, comme dans « L’Étranger », où il aborde l’aliénation et l’isolement.

Un poème en particulier, « Mademoiselle Bistouri », mérite une attention spéciale.

« Mademoiselle Bistouri », une femme obsédée par les chirurgiens, symbolise la dissection psychologique que Baudelaire pratique sur ses personnages.

À travers son obsession, Baudelaire explore les recoins les plus sombres de l’âme humaine, mettant en lumière les fixations et les désirs les plus secrets de l’individu.

Ce poème en prose est une démonstration parfaite de l’art de Baudelaire, qui découpe les émotions humaines avec une précision implacable.

 

 

Influence et héritage

L’influence de Baudelaire sur la littérature et la culture est immense et perdure au-delà de son époque. Bien que le recueil « Les Fleurs du Mal » ait suscité la controverse, ses contemporains ont reconnu en lui un innovateur audacieux.

Des écrivains tels que Stéphane Mallarmé et Paul Verlaine ont trouvé dans ses thématiques et son style une source d’inspiration, contribuant à l’émergence du symbolisme et influençant le surréalisme.

Baudelaire a ouvert la voie au modernisme par son exploration de la complexité psychologique et son rejet des conventions poétiques. Avec « Le Spleen de Paris », il a introduit la prose poétique, influençant des auteurs comme Arthur Rimbaud.

Admirateur d’Edgar Allan Poe, Baudelaire a trouvé chez lui un modèle pour explorer les recoins obscurs de l’âme humaine.

En somme, Baudelaire a laissé une empreinte indélébile sur la culture, et son statut de chirurgien de l’âme est confirmé par l'impact durable de son œuvre.

Sa poésie, véritable « scalpel littéraire », continue de fasciner et d’émouvoir, révélant les nuances les plus subtiles de l’âme humaine.

À travers ses œuvres, Baudelaire transforme la douleur en beauté et la mélancolie en éclats de lumière, offrant un art qui transcende le temps et touche les cœurs avec une intensité fulgurante.

 

Les inspirations baudelairiennes

Baudelaire, dans son exploration profonde des émotions humaines, s’est aussi inspiré de ses contemporains et des courants littéraires de son époque.

Son admiration pour Edgar Allan Poe a été particulièrement marquante.

Il voyait en Poe un maître dans l’art de fusionner analyse rigoureuse et imagination fertile. Cette dualité se reflète dans les propres œuvres de Baudelaire, où l’obscurité et la lumière coexistent, créant des contrastes saisissants.

Les influences artistiques de Baudelaire ne se limitent pas à la littérature. Il était également fasciné par les arts visuels et la musique.

Ses poèmes regorgent de références picturales et sonores, une manifestation de sa théorie des correspondances où les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Cette approche synesthésique enrichit la texture de ses écrits, leur conférant une dimension sensorielle unique.

En outre, Baudelaire a été profondément affecté par la vie urbaine de Paris.

La ville, avec ses contrastes violents entre opulence et misère, beauté et décadence, est omniprésente dans son œuvre.

Les rues de Paris deviennent le théâtre de ses observations sur la condition humaine, un microcosme où il dissèque les passions et les contradictions de ses habitants.

Baudelaire a également été critique d’art avisé. Dans ses écrits sur la peinture, il a particulièrement admiré Eugène Delacroix, qu’il surnommait le « peintre-poète ».

Il voyait en Delacroix un artiste capable de traduire en couleurs et en formes les mêmes passions et complexités que lui-même exprimait par les mots.

Ses écrits sur la peinture et la littérature témoignent de son érudition et de sa sensibilité esthétique.

C’est cette capacité de transcender les frontières des disciplines artistiques qui fait de Baudelaire un pionnier de la modernité, dont l’influence continue de se faire sentir dans la littérature et au-delà.

Ainsi, par son exploration des passions humaines, ses influences variées et son innovation stylistique, Baudelaire demeure un exemple pour les générations d’artistes et de penseurs. Sa capacité à sonder les profondeurs de l’âme et à exprimer les émotions avec une intensité et une beauté inégalées en fait une figure incontournable de la littérature mondiale.

Baudelaire résume sa pensée profonde avec cette citation : « Plonger au fond du gouffre, enfer ou ciel, qu’importe ? au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau ! ».

Cette quête incessante de nouveauté et de vérité est au cœur de son œuvre, révélant une humanité complexe et riche de contradictions.   

 

 

 

 

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